L’amylose est une maladie liée au repliement anormal des protéines, qualifiées alors d’amyloïdes ; collées les unes aux autres, elles prennent la forme de fibrilles rigides linéaires, et se déposent en plaques dans les organes infiltrés (système nerveux périphérique, coeur, tube digestif, rein, oeil, excepté le cerveau), peut-on lire dans le livret « Mieux connaître les amyloses », diffusé par l’association depuis 2017. Plus de 25 protéines précurseurs peuvent être en cause, d’où une grande diversité clinique et plusieurs types d’amylose (voir encadré).

« Il faut savoir y penser, comme devant un syndrome du canal carpien bilatéral opéré chez un quinquagénaire sans facteur de risque, enjoint le Pr David Adams, du Centre de référence des neuropathies amyloïdes familiales et autres neuropathies périphériques rares (CHU Le Kremlin-Bicêtre, AP-HP). La génétique permet de confirmer ou d’écarter l’hypothèse héréditaire, et l’anatomopathologie reste un marqueur décisionnel pour le traitement. » En effet, la biopsie (glandes salivaires accessoires, graisse sous-cutanée, etc.) au rouge Congo, qui colore les dépôts d’amylose, apporte une certitude diagnostique.

S’ajoute à ces symptômes variés « une souffrance morale due à un isolement total face à cette maladie complètement inconnue au moment de la création de l’association, il y a vingt ans, et qui reste encore peu connue des soignants », rappelle Françoise Pelcot, directrice de l’association. Du fait de cette méconnaissance, liée aussi à la rareté de la maladie, celle-ci « reste grave et mortelle, car le diagnostic est trop tardif », insiste le Pr Thibaud Damy, responsable du Centre de référence des amyloses cardiaques, qui accueille les patients déjà hospitalisés grâce au dispositif « SOS amylose coeur ». L’association élabore donc une plateforme de prédiagnostic (description des symptômes, antécédents).

Un handicap au quotidien pour les trois quarts des patients

Avec le soutien des quatre centres de référence et des filières concernées par l’amylose avec lesquels elle est en lien, l’association a mené une enquête au début de l’année 2019 sur l’impact de la maladie au quotidien pour les malades et leur famille, auprès de patients ayant divers types d’amylose (603 ont répondu au questionnaire de 16 pages). L’errance diagnostique est de vingt-huit mois (quinze pour établir le diagnostic, treize pour confirmer le type) au terme de 4 consultations (2 médecins hospitaliers et 2 médecins de ville) en moyenne. Toutefois, l’annonce de la maladie et le suivi (92 % par un médecin hospitalier, 78 % dans un centre de référence ou de compétences) se font dans de bonnes conditions. Un tiers des patients étaient actifs au moment du diagnostic et âgés en moyenne de 51 ans : parmi eux, 48 % ont dû modifier ou arrêter leur activité, 11 % ont bénéficié d’un mi-temps thérapeutique, 36 % d’un arrêt de travail, et 62 % ont obtenu une reconnaissance de travailleurs handicapés.

La qualité de vie est très altérée (score EVA à 58 au test de l’EQ5-D, vs 71 pour le cancer), et ces patients, inquiets pour leur avenir (75 %), fatigués (68 %), voire découragés (57 %), souffrent de douleurs quotidiennes (56 %) et de troubles du sommeil (57 %). Le handicap lié à la maladie retentit sur leur vie quotidienne (74 %), limitant leurs activités (courses, ménage, toilette, loisirs) et altérant leur relation de couple. Et 59 % redoutent d’être un poids pour leur famille. Seuls 11 % ont bénéficié de séances d’éducation thérapeutique (ETP), alors que celle-ci aide à surmonter ces difficultés ; l’association veut donc rendre l’ETP accessible à distance pour les hôpitaux de proximité ; elle étudie des applications et outils numériques pour favoriser l’autonomie des malades, et met à leur disposition un psychologue et une assistante sociale. Elle a lancé un site d’information pour faciliter leurs démarches administratives (simplifiezvouslavie.org) et accélérer la prise en charge sociale : 44 % des répondants ayant sollicité une maison départementale des personnes handicapées (MDPH) ont attendu deux cents jours en moyenne, pour une prestation qui, une fois obtenue, sous-estime les besoins (la maladie ayant évolué entre-temps).

Faire connaître les nouveaux traitements

L’association préside l’alliance internationale d’associations homologues, créée en 2018 à son initiative, afin de faire connaître la maladie, réduire l’errance diagnostique et soutenir la recherche. Après trente ans d’efforts, la recherche, qui a permis la mise au point de traitements de l’amylose AL et de 4 traitements de l’amylose héréditaire neurologique, vise désormais l’amylose cardiaque à transthyrétine, héréditaire ou sauvage. Outre la transplantation hépatique qui supprime la production hépatique de la transthyrétine mutée ou de la chaîne alpha du fibrinogène, les médicaments anti- amyloïdes modifient la progression de l’amylose à transthyrétine, et peuvent même la faire régresser. Ils empêchent la formation des dépôts en stabilisant la protéine transthyrétine (TTR) mutée, comme le tafamidis(1), ou bloquent la production hépatique de la TTR mutée et normale en réprimant son expression génique, comme deux oligonucléotides antisens, le patisiran(2) et l’inotersen(3), qui ont une AMM européenne et américaine depuis 2018 dans les amyloses héréditaires neurologiques, avec ou sans atteinte cardiaque.

L’association s’efforce d’obtenir des procédures d’accès rapide à ces traitements, et veut faire connaître leur existence afin d’encourager au dépistage génétique l’entourage des patients car « leur refus de se faire dépister est souvent lié à l’idée que cette maladie n’est pas traitable », déplore Françoise Pelcot.

1. Vyndaqel, laboratoires Pfizer, 1 cp par jour, au prix de 4 300 euros par mois, indiqué depuis 2012 dans la polyneuropathie symptomatique de stade 1 et à l’étude dans la cardiomyopathie héréditaire ATTR.
2. Onpattro, du laboratoire Alnylam Pharmaceuticals, par voie intraveineuse.

3. Tégsedi, du laboratoire Akcea Ionis, par voie sous-cutanée.

 Filnemus : filière des maladies rares neuromusculaires (nerf.org).
Cardiogen : filière des maladies cardiaques héréditaires ou rares (reseau-amylose-chu-mondor.org).
FAI2R : filière des maladies auto-immunes et auto-inflammatoires rares (ceremaia.fr).
MaRIH : filière des maladies rares immuno-hématologiques (unilim.fr/cr-amylose-al/centre_reference_amylose). Centre de référence des amyloses AL et autres maladies par dépôts d’immunoglobine.

Les amyloses : multi-systémiques ou localisées

L’amylose héréditaire, de transmission autosomique dominante :

> la plus fréquente, l’amylose à transthyrétine (ATTR), est liée à l’une des 100 mutations répertoriées de cette protéine (TTR), naguère dénommée préalbumine, et qui transporte dans le sang la thyroxine et le rétinol ; la molécule, un tétramère, mutée se disloque en 4 composants qui s’agrègent et se déposent sous forme de substance amyloïde toxique dans les nerfs périphériques et le cœur. Pour les formes neuropathiques, le test génétique est demandé chez un patient de plus de 50 ans devant une polyneuropathie de cause indéterminée, évolutive de six mois en six mois, ou une polyradiculonévrite chronique ne répondant pas aux immunoglobulines, a fortiori s’il y a des troubles de la marche, ou une dysautonomie. Au nord du Portugal, la maladie survient vers 30 ans. La majorité des porteurs du gène muté développeront un jour la maladie. Espérance de vie au diagnostic : trois à quatre ans sans traitement ;  

> les amyloses liées aux mutations d’autres protéines (chaîne alpha du fibrinogène, apolipoprotéines A1, A2, A4, C2, C3, lysozyme, gelsoline), à l’origine d’une atteinte surtout rénale, sont plus rares.

L’amylose AL. A pour amylose et L pour light chain, chaîne légère d’une immunoglobuline monoclonale qui s’agrège sous forme de fibrilles. Elle se traduit, selon l’organe atteint, par une insuffisance rénale ou cardiaque, une hépatomégalie, une hypotension orthostatique, une polynévrite, des troubles digestifs. Diagnostiquée par le myélogramme et le dosage des chaînes légères libres, et traitée par chimiothérapie, sans laquelle l’espérance de vie médiane est de quatorze mois. Un anticorps monoclonal, le daratumumab, qui élimine les plasmocytes qui produisent les chaînes légères, est en développement.

L’amylose AA est liée aux dépôts de la protéine sérique amyloïde (SAA, sérum amyloïde A) produite en excès par le foie lors d’inflammations (infections chroniques pulmonaires, rhumatismes inflammatoires chroniques, maladies inflammatoires chroniques, etc). Le traitement est celui de la maladie inflammatoire. « Dans certains modèles expérimentaux, cette amylose est transmissible, comme le prion », rapporte le Pr Gilles Grateau (centre de référence des maladies auto-inflammatoires et de l’amylose inflammatoire, hôpital Tenon, Paris).

Amyloses localisées. Elles touchent les voies aériennes supérieures et inférieures, le bas appareil urinaire et le cœur. Les atteintes cardiaques se manifestent par des troubles de la conduction cardiaque, des troubles liés à une cardiomyopathie restrictive ou une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection ventriculaire préservée, ou à une atteinte des nerfs du système cardiovasculaire ; elles sont dues à une amylose AL ou à une amylose à transthyrétine, héréditaire (Africains originaires du Togo, Mali, Côte d’Ivoire, Bénin, Antilles et leurs descendants) ou sauvage.
 
Les amyloses sauvages, à transthyrétine non mutée, touchent le cœur et sont beaucoup moins rares qu’on ne le pensait, retrouvées dans un quart des biopsies cardiaques après 80 ans. Espérance de vie au diagnostic, sans traitement : trois à cinq ans. 

RETOUR HAUT DE PAGE