Article publié dans Concours pluripro, février 2022

Le concept d’exposome est né de la nécessité de mieux comprendre l’influence sur la santé de toutes les expositions auxquelles est soumis un individu durant sa vie entière, considérant l’ensemble des expositions environnementales aux agents chimiques, physiques, biologiques et tenant compte également des facteurs socioéconomiques. Dans ces expositions environnementales sont également incluses les expositions professionnelles.

En effet, tout au long de leur carrière professionnelle, les travailleurs peuvent être exposés simultanément à des nuisances chimiques, biologiques ou physiques par différentes voies telles que l’inhalation, l’ingestion ou encore par voie cutanée. Ces expositions, associées à des facteurs de risque psychosociaux liés aux problématiques d’organisation du travail et de management, peuvent favoriser la survenue de pathologies à court ou à long terme et accentuer la pénibilité au travail.

Actuellement, les facteurs professionnels susceptibles d’augmenter les risques pour la santé sont fréquemment étudiés de façon séparée les uns des autres, et les approches disponibles intègrent peu cette problématique de polyexposition, qui représente cependant la réalité des situations professionnelles. Rares sont les situations de travail où les salariés ne sont exposés qu’à un seul type de danger. Les effets sur la santé de l’exposition professionnelle à des dangers multiples peuvent être indépendants les uns des autres ou se renforcer les uns les autres. Ainsi, dans certains cas, les effets de la polyexposition pourraient être supérieurs à la somme des effets inhérents à chacune des expositions. Néanmoins, au niveau actuel de connaissances, il existe encore beaucoup d’incertitudes quant aux effets de ces polyexpositions sur la santé.

 

Cinq catégories de "contraintes professionnelles"

Dans ce contexte, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a mené une étude avec Santé publique France et la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) afin de décrire la réalité des situations de polyexposition des salariés en France et mieux connaître les filières professionnelles particulièrement concernées par ces situations.

Cette étude s’est appuyée sur l’exploitation de l’enquête Surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels (Sumer 2016-2017) en vue d’identifier des profils homogènes de travailleurs polyexposés. Celle-ci a été réalisée par 1 200 médecins du travail auprès de 26 494 salariés du secteur privé et des trois versants de la fonction publique (hospitalière, territoriale et de l’État), représentant près de 25 millions de salariés. Ce dispositif repose sur l’expertise de médecins du travail volontaires. Ceux-ci remplissent, avec les salariés, pendant l’examen médical, un questionnaire sur les expositions professionnelles. Les médecins reprennent les dires des salariés concernant les contraintes organisationnelles et relationnelles. Ils s’appuient par ailleurs sur leurs propres connaissances du poste de travail pour les expositions aux risques physiques, chimiques et biologiques. L’enquête dispose également d’un autoquestionnaire que les salariés remplissent seuls et qui porte sur le vécu de leur situation de travail.

Par ailleurs, l’étude se fonde également sur les 39 indicateurs d’exposition à des contraintes organisationnelles, relationnelles, physiques, chimiques et biologiques subies au cours des activités professionnelles qui ont été repris d’autres études précédentes (Santé publique France ou Dares) ou construits ou adaptés spécifiquement pour cette analyse (tableau ci-dessous).

L’ensemble de ces expositions professionnelles, que l’on nomme également contraintes, sont classiquement regroupées en cinq catégories. Les contraintes chimiques concernent l’exposition d’un travailleur à des substances chimiques potentiellement dangereuses pour la santé, par exemple des produits cancérogènes tels que les émissions de moteurs Diesel, la silice cristalline ou l’amiante. Les contraintes biologiques se rapportent à l’exposition à des agents biologiques, comme des bactéries, virus ou moisissures susceptibles de provoquer une infection, une allergie ou une intoxication. Les contraintes physiques incluent les contraintes posturales, l’exposition au bruit, les contraintes thermiques (travail par fortes chaleurs ou en chambres froides) et l’exposition aux rayonnements (ultraviolets ou ionisants). Les contraintes organisationnelles regroupent, entre autres, les problématiques liées aux horaires ou au rythme de travail, celles liées au manque de moyens (matériels et humains) ou dues à des modifications fréquentes de l’organisation du travail. Les contraintes relationnelles (ou psychosociales) se rapportent essentiellement au ressenti du travailleur et décrivent notamment des situations de job strain (situation de tension caractérisée par une forte demande psychologique et une faible latitude décisionnelle) et les situations de tensions interpersonnelles au sein des collectifs de travail (collègue, supérieur hiérarchique) ou vis-à-vis du public.

Deux méthodes d’analyse de données (analyse factorielle multiple et classification ascendante hiérarchique) ont été successivement mises en oeuvre sur la base de données constituée des 26 494 individus enquêtés et des 39 indicateurs d’exposition construits afin d’identifier des groupes homogènes d’individus exposés à des contraintes multiples similaires (appelés profils de polyexposition). Pour chaque profil, une analyse intégrant les contraintes caractéristiques, les données sociodémographiques et les familles d’activités professionnelles les plus fréquentes a ensuite permis de proposer une interprétation de la typologie des salariés concernés et de leurs activités. L’exposition à une contrainte est qualifiée de caractéristique d’un profil quand elle sur-représentée dans ce profil par rapport à la population enquêtée.

 

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