Article publié dans Concours pluripro, avril 2024
 

Par ignorance, indifférence ou crainte de les discriminer, la santé des femmes au travail est très largement négligée. La somme de dysfonctionnements rassemblés par Laurence Cohen, Annick Jacquemet, Marie-Pierre Richer et Laurence Rossignol, quatre sénatrices membres de la délégation sénatoriale aux droits des femmes donne le vertige. Elles les ont publiés dans le Rapport d'information fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sur la santé des femmes au travail en juin 2023. Pour tous les éléments qui entrent en compte dans la santé au travail, la situation des femmes est pire que celle des hommes. "Minimisation de la pénibilité, sous-estimation des risques, maux à bas bruit, invisibilisation des cancers professionnels (…), tabou autour des pathologies menstruelles et de la ménopause..." L'avant-propos du rapport présente une image hélas fidèle de la situation accablante détaillée dans le rapport, parlant d'"une méconnaissance, voire un déni, face aux atteintes à la santé des femmes dans le monde du travail". Au chapitre des constats, le plus évident révèle l'insuffisance, ou même l'absence, terriblement préjudiciable pour les femmes, d'une approche genrée de la santé au travail.

Les sénatrices y voient un "manque de volonté d'investiguer les connaissances scientifiques"... Les données sexuées en matière de santé (obligatoires depuis 2014) ne sont pas complètes ou alors des biais de genre influencent les travaux en défaveur des femmes, par exemple en extrapolant les données des hommes aux femmes. Et si "la Cnam dispose de données sexuées", elle ne les publie que partiellement "et ne manifeste pas d'intérêt particulier pour leur exploitation", peut-on lire dans le rapport. Ainsi, derrière la baisse globale des accidents du travail se cache une augmentation de ces accidents chez les femmes... Sans surprise, le 4e Plan santé au travail 2021-2025 (PST4) et la plupart de ses déclinaisons régionales (à part celle de la Bretagne) abordent à peine le sujet.

© Santé Publique France, avril 2023

 

Manque de volonté et d'intérêt

Par ailleurs, les rapporteures ont constaté un manque d'intérêt pour les secteurs d'activité à prédominance féminine, comme ceux du nettoyage, du care, de la grande distribution mais aussi du mannequinat et de l'accueil, approfondis dans le rapport. À titre d'exemple, un représentant de la Mutuelle nationale des hospitaliers témoigne du fait qu'"il n'existe presque aucune étude portant sur la population féminine des professionnels de santé" et que si quelques études traitent de celle des médecins, la santé des aides-soignantes est "totalement inexplorée" par la recherche scientifique.

Les accidents du travail et les maladies professionnelles sont sous-déclarés, chez les hommes comme chez les femmes. Mais si le taux de signalement de maladies à caractère professionnel (MCP), qui ne sont pas forcément des maladies professionnelles "officielles", est significativement plus élevé chez les femmes que chez les hommes, il reste a priori en-dessous de la réalité. En effet, plus des trois quarts des troubles musculosquelettiques (qui touchent davantage les femmes) signalés comme MCP correspondent, selon Santé publique France, à un tableau de maladie professionnelle mais ne sont pas déclarés comme tels. Un exemple parmi tant d'autres.

RETOUR HAUT DE PAGE