*Jean-François Gehanno, Solenn Letalon, Antoine Gislard, Laetitia Rollin, Service de médecine du travail et des maladies professionnelles, CHU de Rouen.

 

Au XIXe siècle, les ouvriers et employés se plaignaient de ne pas pouvoir obtenir des indemnités à la suite d’accidents de travail, et les employeurs d’être exposés à des responsabilités financières parfois importantes et laissées à la seule appréciation des juges. À la suite des travaux en 1880 de Martin Nadaud, ancien maçon et député de la Creuse, et surtout du député Louis Ricard, ancien maire de Rouen, a été promulguée la loi du 9 avril 1898 sur les accidents de travail. Elle instaurait le principe de la présomption d’origine et de la réparation forfaitaire et plafonnée en cas d’accident de travail, évitant à l’employeur de réparer intégralement le préjudice de la victime.

Le 25 octobre 1919, Raymond Poincaré signait une loi qui étendait aux maladies d’origine professionnelle la présomption d’origine instaurée par la loi du 9 avril 1898. Cette loi créait les deux premiers tableaux de maladies professionnelles (saturnisme professionnel et hydrargyrisme professionnel). Elle prévoyait qu’un salarié n’avait pas à faire la preuve de l’origine professionnelle de sa maladie et était indemnisé lorsqu’il était exposé de manière habituelle à l’un des travaux mentionnés dans un des tableaux de maladie professionnelle, qu’il était atteint d’une des maladies mentionnées dans ce tableau et que cette maladie apparaissait dans le délai spécifié dans le tableau (dénommé « délai de responsabilité » dans les deux premiers édictés).

 

 

Le nombre de tableaux s’est progressivement accru au cours du XXe siècle, au fil de l’évolution des connaissances scientifiques et des négociations sociales. Toutefois, le système, pour protecteur qu’il soit, était marqué par une grande rigidité : le dépassement du délai de prise en charge d’une seule journée pouvant, par exemple, aboutir à un refus administratif de prise en charge.

À la suite du rapport Dorion en 1991, un système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles a donc été instauré par la loi du 27 janvier 1993. Ce système complémentaire permet la reconnaissance de maladies ne remplissant pas strictement les conditions définies par les tableaux, ou ne faisant pas l’objet d’un tableau déjà existant. Il repose sur une expertise individuelle des dossiers de demande de reconnaissance de maladie professionnelle par des comités instaurés dans chaque région : les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).

Lorsqu’une maladie est inscrite dans un tableau de la maladie professionnelle indemnisable mais qu’une (ou plusieurs) des conditions administratives n’est pas remplie (délais de prise en charge dépassés, durée d’exposition minimale insuffisante ou défaut de figuration dans la liste limitative de travaux), cette maladie peut néanmoins être reconnue comme étant d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime. Lorsqu’aucun tableau ne mentionne la maladie, celle-ci peut être reconnue comme étant d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou un taux d’incapacité permanente d’au moins 25 %. En 2016, plus de 16 000 dossiers de demande de reconnaissance ont ainsi été examinés par les CRRMP.

Différences structurelles ou de jugement ?

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