Article publié dans Concours pluripro, octobre 2023
 

"Il y avait un besoin, pas encore exprimé, qu'il fallait anticiper." À l'hôpital Saint-Joseph, à Paris (XIVe), pendant la première vague de Covid-19, "plusieurs activités dans notre hôpital ont été arrêtées, un peu du jour au lendemain", se souvient Marguerite d'Ussel, médecin de la douleur, à l'initiative du projet. Dès lors, les professionnels de santé de l'hôpital se sont demandé comment être utiles aux patients. "Selon leurs compétences, certains sont allés aux urgences, d'autres aux soins palliatifs. Certains encore, bien qu'ayant des compétences très larges, ne savaient pas vraiment où ils pourraient être utiles." Elle apprend alors que les soignants italiens et ceux de la région Grand Est – touchés par la vague épidémique avant Paris – étaient déjà épuisés après quinze jours de pandémie. "C'est là que je me suis rendu compte qu'il y avait un besoin, pas encore exprimé, qu'il fallait anticiper : prendre soin des professionnels de santé."

Par chance, anticiper les besoins du patient, c'est justement ce à quoi répond l'équipe "Consultation douleur chronique", dont Marguerite d'Ussel est la responsable : "On propose à chaque patient des projets thérapeutiques très globaux. Notamment des techniques médicamenteuses, ou non, qui ne répondent pas forcément à un besoin exprimé. Par exemple, en s'intéressant aux douleurs du patient, on peut se rendre compte qu'il ne bouge plus suffisamment ou qu'il a des troubles du sommeil. Ce n'est pas la raison pour laquelle ils viennent nous voir, mais cela a probablement un lien avec leur douleur." Une fois le confinement en place, l'équipe conserve cette même façon de travailler. "On a décidé de faire, avec les soignants, la même chose que ce qu'on fait avec les patients de la consultation douleur, c'est-à-dire anticiper leurs besoins."

 

Lumières douces, café, micro-sieste...

Dans les salles d'attente et les box de consultation désertées ont été installés les premiers espaces pour les soignants. "Des espaces où ils pouvaient venir décompresser, s'allonger vingt à trente minutes avec de la musicothérapie, dans un endroit calme avec des lumières douces, mais aussi du café, des tisanes, et des choses à grignoter." En parallèle, des soins sont aussi proposés : kinésithérapie, hypnose, psychothérapie, tabacologie, sophrologie... "Ce sont des soins qu'ils ne seraient pas venus chercher spontanément, mais dont on pensait qu'ils pouvaient être utiles, et les aider à prendre soin d'eux, dans cette période particulière et très stressante."

Au retour des patients, il a fallu trouver un nouveau lieu d'accueil pour cette "Bulle du personnel". Et pas question de passer à autre chose ! Heureusement, "le succès de cet espace a motivé la direction de l'hôpital à le maintenir", se réjouit Marguerite d'Ussel. Cette fois, cependant, l'espace est plus réduit. Et c'est là qu'elle entend parler des cocons à sieste. "Ça correspondait à ce qu'on recherchait : ça ne prend pas beaucoup de place, et c'est adapté aux normes d'hygiène des hôpitaux. On a donc décidé d'en mettre deux, qui ont tout de suite bien fonctionné." Ouvert de midi à 20 h, cet espace propose également des fauteuils massants.

Aujourd'hui, la "Bulle du personnel" continue d'accueillir "environ 60 personnes par jour". Et pour cause, la micro-sieste permet d'améliorer la santé mentale et physique des personnes. "La littérature montre que ça améliore aussi les performances des soignants. C'est d'autant plus important que plusieurs études ont mesuré que la qualité du sommeil chez les soignants était moins bonne que dans la population générale, du fait des horaires décalés, du stress et des responsabilités. Il y a une fragilité, une vulnérabilité au sommeil chez eux."

Le modèle a été reproduit à l'hôpital Marie-Lannelongue, au Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine), le second hôpital du groupe Paris Saint-Joseph.

 

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