Article publié dans Concours pluripro, mai 2024
 

Au début de l'avènement du temps pressé, l'intensification du travail observée dans les pays industrialisés depuis plusieurs dizaines d'années a été "annoncée comme une assez bonne nouvelle", a souligné Serge Volkoff lors de sa conférence. Elle s'est en effet accompagnée de l'assouplissement des chaînes de commandement et d'une forme de bureaucratie, de l'avènement d'une plus grande responsabilité des salariés et des agents. Mais la nécessité pour la "main-d'oeuvre", industrielle au départ, d'adapter toujours son travail à ce qui devait être produit, présentée comme positive car stimulante, a rapidement montré des effets négatifs sur la santé des personnes. "Assez vite, on a déchanté, a poursuivi le chercheur, car il ne s'agissait pas de remplacer un modèle par un autre mais d'empiler les contraintes précédentes avec la nouvelle exigence de réactivité." Et toutes les échelles de temps, dans le travail, se sont enchevêtrées : le travail immédiat, avec une adaptation rapide et permanente aux changements dans les biens et services à produire, l'alternance, beaucoup plus floue, entre temps de travail et temps de repos, et le temps long, avec les évolutions techniques et organisationnelles qui se sont accélérées.

 

Fausse bonne nouvelle

Une des premières retombées, a souligné Serge Volkoff, réside dans l'individualisation de la vie au travail et la fragilisation des collectifs de travail : si des difficultés sont ressenties par un salarié ou un agent, il commence désormais par se demander ce qui ne va pas chez lui avant d'interroger l'organisation de ce qu'il a à faire. Autre conséquence : la hâte est devenue une nécessité, un impératif presque naturel, une donnée de base. Quand Emmanuel Macron a promis de reconstruire la cathédrale Notre-Dame de Paris en cinq ans après l'incendie de 2019, "c'était le lendemain, on ne savait même pas, à ce moment-là, quels étaient les dégâts", a illustré le chercheur. La hâte finit par aller de soi et elle se répercute sur la santé des personnes de très nombreuses manières. C'est le sujet du dernier livre qu'il a coécrit avec l'ergonome Corinne Gaudart (Le Travail pressé. Pour une écologie des temps du travail, éditions Les petits matins, 2022).

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