Réanimation. Ces services hospitaliers ont focalisé l’attention nationale au détour de décomptes quotidiens d’admission et de décès. L’hôpital, dans son ensemble, a été au coeur de la gestion de l’épidémie de Covid-19, le point central d’une communication gouvernementale et des autorités sanitaires. Côté soins primaires, moins de bruit. Les équipes ont dû s’adapter sans directives organisationnelles.

Pour évaluer l’impact de la crise et la réactivité des professionnels de ville, les représentants des maisons et centres de santé(1), dans le cadre de recherches autour des soins primaires(2), ont lancé une étude à destination des structures pluriprofessionnelles. Le 4 mai, les résultats préliminaires concernaient 358 équipes sur le territoire national (262 MSP, 96 centres de santé), interrogées en ligne entre le 2 et le 7 avril. Pour Pascal Gendry, président d’AVECsanté, l’enquête « confirme ce que nous pensions : l’exercice pluriprofessionnel n’est pas une addition de professionnels, mais une synergie ». Et il a montré ses atouts.

L’accueil des patients

Un premier élément important ressort : la quasi-totalité des structures ayant répondu à l’enquête ont pu poursuivre leur activité, malgré l’interruption totale de l’activité pour certains professionnels (dentistes, kinés, etc.). Pour 95 % d’entre elles, l’accueil physique des patients a été modifié, avec deux files de patients séparées temporellement ou physiquement. « Les structures disposant de plusieurs locaux ont par exemple pu réserver un bâtiment aux patients Covid-19 », précise Alain Beaupin, médecin généraliste et président de l’Institut Jean-François-Rey (IJFR). D’autres réservaient des créneaux horaires aux patients potentiellement positifs.

Environ deux tiers des structures ont créé une cellule de crise, et 89 % ont mis en place un tri téléphonique pour séparer les patients atteints des autres. Le personnel administratif (dans 47 % des cas) et des professionnels de santé dont l’activité avait été mise en suspens (64 %) ont notamment participé à ce tri, à défaut de pouvoir exercer. Une « mission de santé publique » remplie et facilitée par la dynamique de l’exercice pluriprofessionnel, comme le soulignent les deux présidents. « Le rôle des coordinateurs a été central aussi, dans l’organisation, l’accueil, l’équipement », ajoute Pascal Gendry. Cette mission se traduit par un autre chiffre : 95 % des structures ont accepté de prendre en charge des patients dont le médecin traitant ne faisait pas partie de l’équipe.

Un suivi nécessaire

Une procédure particulière de suivi des patients potentiellement infectés par le Covid-19 a aussi été mise en place dans 92 % des maisons et centres de santé répondants, avec l’ajout, dans 70 % d’entre eux, d’un deuxième protocole de suivi des formes graves. Près de deux tiers déclarent avoir créé un registre dédié à ce suivi, partagé entre professionnels. « Le lien infirmière-médecin-pharmacien se renforce, et il y a une véritable réflexion autour du suivi des patients », estime Pascal Gendry. Mais en soins primaires, il a fallu trouver une organisation pour le suivi des patients chroniques, victimes eux aussi du confinement. Les hésitations sur leur prise en charge(3) se traduisent dans la disparité des réponses à l’enquête : 38 % des structures ont gardé la même organisation pour le suivi de leurs patients fragiles Covid négatifs, et 40 % l’ont réduit (pour 2 %, il a même été interrompu). À l’inverse, 20 % ont renforcé le suivi des patients chroniques. « Il y a aussi un biais d’étude, parce que les patients chroniques sont suivis par les généralistes, mais aussi par les podologues ou les kinés par exemple, qui ont suspendu leur activité », précise Pascal Gendry.

Ces chiffres préliminaires donnent un premier regard sur la gestion de crise, et s’insèrent dans une démarche de recherche qui donnera lieu à deux autres enquêtes et des analyses publiées dans la foulée. Mais pour l’IJFR et AVECsanté, ils montrent déjà que, sous pression, l’organisation de soins primaires en exercice pluriprofessionnel a fait preuve d’une forte capacité de résistance et d’adaptation. Et cela, quel que soit le type. « Je m’attendais à observer plus de difficultés dans les centres plus gros, ou par exemple dans les centres municipaux. Mais au contraire, notamment grâce à l’implication des maires, ils ont particulièrement bien réagi », estime Alain Beaupin.

1. AVECsanté, Institut Jean-François-Rey, Fédération nationale des centres de santé (FNCS), Union syndicale  des médecins de centres de santé (USMCS).

2. Enquête réalisée dans le cadre du réseau Accord, en partenariat avec la mission Respire (EHESP, Irdes, Cnamts).

3. Voir Le Concours médical, avril 2020, p. 52.
 

Les généralistes en première ligne

Le Collège national des généralistes enseignants (CNGE) a coordonné une étude auprès de plus de 5 000 médecins, entre le 14 et le 21 mars, également pour évaluer leur adaptation à l’épidémie. 76 % ont déclaré avoir ouvert des plages de consultations dédiées Covid, en mettant en place des espaces dédiés lorsque cela était possible (80 %). Pour 86 % d’entre eux, il a aussi fallu dégager du temps pour répondre aux patients par téléphone, et plus d’un quart (28 %) disent avoir augmenté le nombre de téléconsultations. Quelles mesures de protection ? Au moment de l’enquête, elle révèle un sous-équipement des médecins : 14 % déclaraient ne plus disposer d’un seul masque à leur cabinet. Pour le matériel plus spécifique, la pénurie était généralisée : 79 % n’avaient pas de surblouse, et 74 % pas de lunettes de protection. 

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