En Corrèze, si l’offre hospitalière et médico-sociale est satisfaisante, il n’en va pas de même pour l’accès aux soins de proximité en médecine générale : une très grande partie de ce territoire de 240 000 habitants est classée en zone déficitaire par l’Agence régionale de santé Nouvelle Aquitaine. On ne compte qu’1 médecin pour 2 500 personnes sur le plateau des Millevaches ; à Brive, ville la plus peuplée du département, les départs en retraite des généralistes se multiplient. Pour remédier à cette désertification médicale, depuis 2017, des moyens importants ont été mis en place avec le plan Ambitions Santé Corrèze doté d’une enveloppe d’un million d’euros par an pendant six ans. Le 26 novembre 2021, le Plan entrait dans sa deuxième phase.

Le plan Ambition Santé repose d’abord sur la création de Corrèze Santé, un Centre départemental de santé (CDS), basé dans la commune d’Egletons, qui, à terme, déploiera une vingtaine de médecins (à ce jour 14 généralistes et un gériatre ont été recrutés grâce à une large campagne) dans les zones déficitaires, ainsi que des infirmières en pratique avancée. Ce CDS a une position centrale en Corrèze et un accès autoroutier direct. Il compte déjà six antennes, dans les bourgs de Neuvic, Meymac, Bort-les-Orgues, Sornac, Ussel et Treignac, mais c’est au siège que l’on retrouve une équipe administrative de trois personnes assurant le secrétariat médical et la gestion administrative et financière centralisée.

 

Etre mobile sur les différentes antennes si les besoins se font ressentir

Dans chaque centre de santé, des médecins salariés par le conseil départemental pratiquent le tiers-payant. Dès l’ouverture, les patients sont venus en nombre. Arrivée en juillet dernier, le Dr M., 38 ans, témoigne : "Après avoir travaillé en région bordelaise en tant que libérale, j’avais très envie de vivre à la campagne, et d’avoir un statut salarié afin de bénéficier d'un meilleur équilibre vie pro/vie perso." C'est en faisant des recherches sur Internet qu’elle tombe sur le projet corrézien et contacte le Dr Alain Acker, médecin coordonnateur au CDS d’Egletons. "Cela a bien collé et je suis venue m’installer rapidement. Au centre, je suis déchargée de tout ce qui concerne le secrétariat, la comptabilité, l’informatique... qui me fatiguaient en libéral, pour me concentrer sur mon exercice purement médical. Le deal étant d’être mobile sur les différentes antennes du centre si des besoins se font ressentir." Le Dr M., qui avait orienté sa pratique vers la gynécologie et la pédiatrie à Bordeaux, s’est facilement adaptée à sa nouvelle patientèle corrézienne, plus âgée, souvent polypathologique.

Autre point fort du plan Ambition Santé, le soutien à l’implantation ou à l’extension de MSP et pôles de santé pluripro. La Corrèze en compte actuellement une vingtaine. Pour faciliter leur développement, le Département propose une aide à hauteur de 20 % de l’investissement (plafonnée à 100 000 euros par projet).

Enfin des mesures d’accompagnement financier ont été décidées pour les étudiants et internes en médecine (lire l'interview de Pascal Coste, ci-dessous).

Les nouvelles mesures mises en route fin novembre concernent l’extension du centre de santé, avec l’embauche de nouveaux praticiens, et l’ouverture de nouvelles antennes. D’autres initiatives se concrétisent, comme le développement de la télémédecine, l’installation de cabines et de bornes de connexion, la création de fauteuils de dentistes itinérants, ainsi que le recrutement de personnel soignant. Des infirmières déjà en place seront formées aux pratiques avancées pour activer une télémédecine utilisant des mallettes spécifiques pour travailler en direct avec un médecin généraliste du centre de santé.

 

 

 

Focus

Les axes du plan Ambition Santé Corrèze

• Augmenter le temps médical

• Promouvoir les professions médicales et attirer les étudiants, médecins généralistes et spécialistes

• Proposer aux médecins généralistes libéraux des solutions

• Coordonner les acteurs

• Mobiliser et communiquer

Les actions à venir

• Recrutement de nouveaux médecins pour permettre l’ouverture d’antennes supplémentaires de Corrèze santé.

• Mise en place de cabines ou bornes de télémédecine avec des expérimentations sur plusieurs territoires en fonction des besoins locaux.

• Recrutement d’IPA pour décharger les médecins des actes courants : réalisation de préconsultations pour les médecins des centres de santé, télémédecine en visite à domicile avec une mallette connectée...

• Mise à disposition du secrétariat de Corrèze santé pour des médecins libéraux afin de les décharger de l’administratif.

 

Cinq  questions à Pascal Coste, président du Conseil départemental de Corrèze 

Comment comptez-vous attirer davantage de médecins en Corrèze ? 

© Dép. de la Corrèze

D’abord en leur montrant que l’on est innovant… et qu’il y a de nombreux défis à relever ici. Le statut de salarié intéresse de plus en plus de jeunes médecins et c’est ce qu’on leur propose dans nos centres de santé avec des salaires de 6 000 euros par mois pour un temps plein. Les professionnels de santé ont un cadre défini en matière d’horaire, de jours de consultation, et disposent d’un véhicule professionnel, ce qui permet d’avoir une vraie qualité de vie professionnelle en plus du cadre de vie qu'offre le département. Nous avons, en outre, lancé des campagnes d’attractivité dans la presse et mis en place une conciergerie pour aider à l’installation ainsi qu’une cellule pour gérer l’emploi du conjoint.  

Par ailleurs, nous participons à la formation des médecins. Nous octroyons des enveloppes mensuelles de 300 euros à une dizaine d’étudiants en 2e année de médecine et des bourses de 600 à 800 euros à des étudiants de 4e année s’ils s’engagent à venir en Corrèze à l’issue de leurs études. Nous finançons également de la formation « déportée », en proposant à des internes qui sont au CHU de Limoges de venir travailler chez nous.  

Vous proposez aussi des formations pour les médecins corréziens ? 

Oui et ce afin qu’ils soient à même d’accueillir plus d’internes, notamment dans nos hôpitaux d’Ussel et de Tulle. Ces hôpitaux sont à la pointe et offrent une très bonne qualité de formation. Leur petite taille permet aux jeunes de toucher à tout et de pratiquer davantage de pluriprofessionnalité. Ils mettent les mains dans le cambouis et cela leur plait ! 

La télémédecine va également être développée ? 

Oui. Non seulement au centre départemental de santé d’Egletons via des bornes pour les consultations hors planning et aussi via des partenariats avec d’autres centres de santé si au premier appel nos médecins ne répondent pas. L’objectif est d’avoir une réponse dans les 10 minutes de 8h à 20h. Nous développons aussi des mallettes de télémédecine pour les infirmières et les IPA qui sillonnent le territoire. Quand elles sont chez un patient, en cas de besoin, pour certaines pathologies, elles peuvent se connecter à un médecin et obtenir des conseils, une ordonnance... C’est vraiment innovant en terme de présence.

Les infirmières en pratique avancée sont au cœur du plan Ambitions Santé...

En effet et l'on a un gros volet dédié à leur formation : nous avons déjà financé la formation universitaire de cinq professionnelles l’an dernier et, nous l'espérons, dix autres en 2022. Nous continuerons tant qu’il y aura des besoins… et nous les embaucherons ensuite dans nos centres de santé.   

Comment se présente donc cette deuxième phase du plan ? 

Nous entrons dans une période d'intensification de nos efforts. Nous avons encore besoin de médecins, nous ne sommes qu’au premier étage de la fusée… Je dirais que recruter une cinquantaine de médecins de plus ne nous fait pas peur. Pour arriver à l’équilibre il faudra du temps. A terme, nous souhaitons également recruter des pédopsychiatres, des ophtalmologues, des gériatres… 

 

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