Depuis l’annonce par le gouvernement d’une possible augmentation de la franchise médicale l’été dernier, les réactions n’en finissent plus de se multiplier. Cette fois, c’est au tour des centres de santé de s’insurger contre cette éventuelle mesure. "Nous dénonçons un nouveau frein à l’accès aux soins", ont indiqué la FNCS, l’USMCS, la FabCds, la Fnfcds et l’IJFR* dans un même communiqué. Pour eux, "s’attaquer au porte-monnaie pour responsabiliser le patient" n’est pas la solution et s’avère même un "mauvais choix". Ils soulignent la volonté du gouvernement de responsabiliser le patient mais rappellent que lors de l’instauration de cette franchise en 2008, "l’objectif avoué de cette mesure était bien de faire participer les Français à la réduction du déficit de la Sécurité sociale".

"C’est assez scandaleux de faire passer ce type de mesure alors que nous voyons une augmentation extrêmement importante de la pauvreté, confie Frédéric Villebrun, président de l’Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS). Des personnes n’arrivent plus à se nourrir et nous pensons que dans cette situation-là, les personnes les plus précaires pourraient absorber un doublement de la franchise médicale." Il rappelle également que le remboursement des soins dentaires par l’Assurance maladie passera de 70% à un taux compris entre 55% et 65% fin 2023. Il dénonce une mesure proposée durant l’été, au milieu d’une multitude d’autres propositions visant à réduire les dépenses publiques. "Nous nous en inquiétons en tant que professionnels de santé. Nous voyons de manière très claire maintenant une opposition et une contradiction à ce qui avait été lancé il y a quelques années par Olivier Véran, à savoir la possibilité d’une 'grande sécu'." Le médecin généraliste craint ainsi une augmentation très importante du renoncement aux soins.

Même son de cloche pour Hélène Colombani, présidente de la Fédération nationale des centres de santé (FNCS). "L’accès aux soins devient relativement inégalitaire. Il se dessine une médecine à deux vitesses. Nous comprenons la logique de faire des économies, mais pour nous ce sont de fausses économies", précise-t-elle. "Cela va retarder les soins plus qu’autre chose. Cela va juste écarter du soin des personnes déjà éloignées des soins, et encore augmenter les inégalités d’accès aux soins." Pour elle, les classes les plus aisées ne seront pas impactées et donc, pas responsabilisées. "Seuls les plus pauvres doivent-ils être responsabilisés ?"

 

Ce sera la goutte d'eau pour certains patients qui choisiront de ne plus prendre tel ou tel médicament

Selon Bercy, la hausse de la franchise médicale pourrait représenter 500 à 600 millions d’euros. Les organismes de centres de santé estiment que ces "coups de rabots" perçus "comme un signal du désengagement de l’État dans le champ de la santé", vont faire augmenter le renoncement aux soins. "La santé ne peut pas être la variable d’ajustement du budget de l’État." Pour Frédéric Villebrun, "ce peu d’économies générées sera totalement délétères pour une partie de la population. Cela sera la goutte d’eau pour certains patients qui choisiront de ne plus prendre tel ou tel médicament, qui arrêteront complètement leur traitement ou qui ne prendront tout simplement plus rendez-vous avec un médecin généraliste ou spécialiste... Sur tous les plans, nous risquons d’avoir des conséquences très importantes pour 600 millions d’euros."

Pour Hélène Colombani, il y aura peut-être "des gains à court terme. Cependant comme nous ne faisons jamais d’évaluations à moyen et long terme sur les politiques publiques, comment peut-on savoir l’impact que cela aura sur l’accès aux soins", s’interroge-t-elle. "Beaucoup de nos décideurs n’ont pas conscience de la réalité du terrain et de la situation très précaires de certains patients."

 

Mauvais timing

Frédéric Villebrun estime qu’"il n’y a jamais de bons moments pour ces mesures, mais ce moment-là ne pouvait pas être plus mal choisi. Nous sommes dans la pire des situations. Lorsqu’il faut faire un choix entre se loger et se nourrir, nous savons très bien que les soins viennent après." Malgré le caractère spéculatif de cette proposition, il redoute que cette annonce ait été faite en plein cœur de l’été afin de laisser la nouvelle "se diffuser jusqu’au moment venu. Lorsque nous voyons le ministre de l’Économie et le Premier ministre en parler eux-mêmes, ce n’est pas anodin." De plus, "le discours de certains professionnels de santé libéraux en faveur de l’augmentation de la franchise ajoute un risque de discrimination d’une partie de la population qui ne pourra plus se soigner".

Au même titre que les autres parties prenantes du communiqué, Frédéric Villebrun et Hélène Colombani espèrent un retrait de cette proposition mais aussi, et surtout, "la mise en place de mesures proactives qui permettent l’accès aux soins des populations".

 

NOTE
*
Fédération nationale des centres de santé (FNCS) ; Fabrique des centres de santé (FabCds) ; Fédération nationale de formation des centres de santé (Fndcds) ; Institut Jean-François Rey (IJFR) ; Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS)

 

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