Le groupe Ramsay Santé compte déjà sept centres de soins primaires en France. Comment envisagez-vous leur déploiement ?

Nous avons déjà prévu dix ouvertures d’ici juillet 2024. La limite est opérationnelle, notamment parce que, on le sait, le recrutement de médecins généralistes est compliqué. Mais on y parvient car notre projet de prise en charge est unique et que les conditions de travail font la différence. C’est ce qui nous a permis de recruter des médecins dans des déserts médicaux où l’on ne parvenait pas à les faire venir depuis des années. À Pierrelatte (Auvergne-Rhône-Alpes), par exemple, cela faisait dix ou douze ans qu’ils cherchaient des généralistes. Quand on est arrivé, il n’en restait plus que 3 pour 14 000 habitants… et on a réussi à en recruter 4 !

Certains de ces centres expérimentent le paiement à la capitation. Pourquoi défendez-vous ce modèle ?

Cinq centres l’expérimentent : Bourg-de-Péage, Pierrelatte, Oyonnax (Auvergne-Rhône-Alpes), Ris-Orangis et Argenteuil (Île-de-France). C’est un modèle que nous connaissons bien dans les sites du groupe en Suède où nos 130 centres soignent 10 % de la population. Et il est évident que le système à la capitation offre plus de possibilités – notamment en termes de délégation et de travail en équipe – que le paiement à l’acte et qu’il est particulièrement adapté pour la prise en charge des pathologies chroniques.

Aujourd’hui, nous souhaitons la généralisation du modèle et son inscription dans le droit commun pour pouvoir faire évoluer tous nos centres vers ce modèle. Pour les centres de santé, c’est une réelle évolution.

Justement, en quoi pourrait-on s’inspirer du modèle suédois ?

En Suède, aucun patient n’a accès au médecin traitant directement. En France, celui-ci est en première ligne pour tout. Ce n’est plus possible dans un contexte de vieillissement de la population, d’augmentation des maladies chroniques. Aujourd’hui, que vous ayez la cheville qui vous fasse souffrir ou un diagnostic de cancer, vous passez par le médecin traitant. C’est ainsi que notre système de santé a été créé. Mais en Suède, ça fait quinze ans qu’ils ont fait évoluer leur système de soins pour mieux utiliser le temps médical en déléguant certaines tâches à d’autres professionnels, sous la houlette et la coordination d’un médecin qui est rémunéré pour cela.

Quand un patient appelle l’un de nos centres de santé, son premier contact est l’infirmière qui le prend en charge. Une équipe s’occupe de lui et l’oriente en fonction de son besoin. Cela règle beaucoup de problématiques qui ne nécessitent pas d’avoir recours au médecin. Ce dernier peut donc se concentrer sur les patients dont l’état requiert son savoir-faire médical spécifique. Ce qui fait qu’à temps médical égal, on augmente l’influence du praticien sur davantage de patients. Le paradoxe, c’est que tout en recevant moins de patients, le praticien peut influencer la santé d’un plus grand nombre que s’il les voyait tous, tout seul.


Lire aussi : Ramsay santé s’inspire  du modèle suédois


Et c’est efficace ! Lorsque je discute avec un médecin à 16h, il me dit qu’il a piloté la prise en charge d’une centaine de patients – ce qui est énorme pour une journée – mais il n’en a vu que douze. Tous les autres ont été gérés par l’équipe directement ou indirectement. Quelqu’un qui appelle parce qu’il n’a pas le moral ne voit pas le médecin, mais un psychologue de l’équipe qui peut, au besoin et après en avoir parlé avec le médecin traitant, l’adresser vers un psychiatre.

Chez Ramsay Santé, on croit en la mise en place d’un système qui facilite le travail en équipe en donnant à celle-ci le bon niveau de formation et de compétences. Et force est de constater que le nombre de patients qui se présentent physiquement devant le médecin est réduit. Par conséquent, celui-ci peut prendre le temps nécessaire d’accompagner le patient efficacement… C’est un vrai changement de paradigme par rapport au système en vigueur en France, sachant que le paiement à l’acte reste adapté pour les prises en charge ponctuelles.
 

En Suède, à 16 h, le médecin a piloté la prise en charge d’une centaine de patients mais il n’en a vu que 12. Tous les autres ont été gérés par l’équipe
RETOUR HAUT DE PAGE