D’abord, un brin d’histoire. À partir de 1958, la recherche clinique a été concentrée au sein des CHU. Cela s’accentue, les années passant, avec la mise en place du programme hospitalier de recherche clinique (PHRC), de financements fléchés, l’importance prise par la valence recherche dans les carrières…, retrace Cédric Rat, médecin généraliste à la MSP Pierre et Marie Curie (Pays de la Loire) et coresponsable du secteur recherche au CNGE. La recherche en soins primaires, elle, est délaissée. Certes, il y avait des militants en ville qui gravitaient autour des sociétés scientifiques, avaient une culture de la médecine générale dans le monde, se souvient Pascal Clerc (Société française de médecine générale, SFMG), qui en faisait partie… Mais ils étaient "peu nombreux" et en dehors de l’université.
Cela change avec l’universitarisation, d’abord de la médecine générale, qui fait office de première brique pour construire cette recherche. Paul Frappé, médecin généraliste à la MSP de Montreynaud (Auvergne-Rhône-Alpes) et président du Collège de la médecine générale, la fait remonter à 2004, à la création du diplôme d’études spécialisées (DES). En 2007, la France compte sa première promotion de spécialistes en médecine générale. La recherche est professionnalisée : "Des personnes vont pouvoir en faire, non pas sur un temps de “presque” loisirs" mais "l’intégrer au métier", se souvient-il. Toutefois, vingt ans après, "on a dix fois moins d’enseignants" que la moyenne des autres spécialités, soulève Tiphanie Bouchez, enseignante-chercheuse en médecine générale, à Nice.
Lentement, la dynamique s’élargit à d’autres professions. Mais les enseignants-chercheurs sont encore peu nombreux. Et se lancer dans l’enseignement ou la recherche est parfois compliqué. Quand Arthur Piraux, pharmacien à Angers, a voulu faire une thèse de sciences, "ça a été la croix et la bannière pour trouver des financements, un laboratoire d’accueil", se souvient-il. C’est grâce à ses co-encadrants qu’il y est parvenu. C’est aussi grâce à des appuis qu’il a pu candidater au Conseil national des universités (CNU), obtenir sa qualification et devenir maître de conférences, en septembre 2024. Ils ne seraient que "deux en France à l’heure actuelle" à conserver une pratique officinale et être maître de conférences universitaire. En termes d’universitarisation, "chacun a son rythme, avec son histoire, ses enjeux", énonce Paul Frappé, pour qui "cultiver sa propre recherche permet d’être plus fort et d’aider la recherche pluripro".