Julie Lagrave, cheffe du pôle recherche et innovation à la DGOS, en est convaincue : "Il y a des enjeux très forts à développer la recherche en soins primaires. Parce que c’est le premier point de contact des patients avec le système de santé, dans le volet curatif mais aussi préventif" et parce que ses acteurs "sont au coeur de la coordination des parcours", poursuit la haute fonctionnaire. Avec la sous-direction de l’accès aux soins et du premier recours, elle copilote le chantier du groupe de travail national sur la recherche en soins primaires, lancé le 11 février dernier. Ce jour-là, une centaine de personnes assistent à l’événement : fédérations des soins primaires, ARS, Cnam, CHU, collèges nationaux et ordinaux, doyens, personnalités qualifiées, chercheurs…

D’une part, il y a ceux qui, comme Olivier Saint-Lary, président du Collège national des généralistes enseignants (CNGE), estiment qu’il existe un fort enjeu à développer une recherche clinique, considérant qu’il est "important de la développer en dehors du milieu hospitalier. Parce que ce ne sont pas tout à fait les mêmes patients, ce n’est pas la même prévalence de pathologies, pas les mêmes stades de pathologies". Et, d’autre part, ceux qui, comme Alain Beaupin, président de l’Institut Jean-François-Rey (IJFR), privilégient la recherche organisationnelle, partant de l’hypothèse que "c’est là que se trouvent les marges de progression". Ce jour-là, il y a probablement autant de visions que de participants. Mais tous sont conviés à apporter leur pierre à la structuration de la recherche en soins primaires.

 

Une dynamique humaine

D’abord, un brin d’histoire. À partir de 1958, la recherche clinique a été concentrée au sein des CHU. Cela s’accentue, les années passant, avec la mise en place du programme hospitalier de recherche clinique (PHRC), de financements fléchés, l’importance prise par la valence recherche dans les carrières…, retrace Cédric Rat, médecin généraliste à la MSP Pierre et Marie Curie (Pays de la Loire) et coresponsable du secteur recherche au CNGE. La recherche en soins primaires, elle, est délaissée. Certes, il y avait des militants en ville qui gravitaient autour des sociétés scientifiques, avaient une culture de la médecine générale dans le monde, se souvient Pascal Clerc (Société française de médecine générale, SFMG), qui en faisait partie… Mais ils étaient "peu nombreux" et en dehors de l’université.

Cela change avec l’universitarisation, d’abord de la médecine générale, qui fait office de première brique pour construire cette recherche. Paul Frappé, médecin généraliste à la MSP de Montreynaud (Auvergne-Rhône-Alpes) et président du Collège de la médecine générale, la fait remonter à 2004, à la création du diplôme d’études spécialisées (DES). En 2007, la France compte sa première promotion de spécialistes en médecine générale. La recherche est professionnalisée : "Des personnes vont pouvoir en faire, non pas sur un temps de “presque” loisirs" mais "l’intégrer au métier", se souvient-il. Toutefois, vingt ans après, "on a dix fois moins d’enseignants" que la moyenne des autres spécialités, soulève Tiphanie Bouchez, enseignante-chercheuse en médecine générale, à Nice.

Lentement, la dynamique s’élargit à d’autres professions. Mais les enseignants-chercheurs sont encore peu nombreux. Et se lancer dans l’enseignement ou la recherche est parfois compliqué. Quand Arthur Piraux, pharmacien à Angers, a voulu faire une thèse de sciences, "ça a été la croix et la bannière pour trouver des financements, un laboratoire d’accueil", se souvient-il. C’est grâce à ses co-encadrants qu’il y est parvenu. C’est aussi grâce à des appuis qu’il a pu candidater au Conseil national des universités (CNU), obtenir sa qualification et devenir maître de conférences, en septembre 2024. Ils ne seraient que "deux en France à l’heure actuelle" à conserver une pratique officinale et être maître de conférences universitaire. En termes d’universitarisation, "chacun a son rythme, avec son histoire, ses enjeux", énonce Paul Frappé, pour qui "cultiver sa propre recherche permet d’être plus fort et d’aider la recherche pluripro".

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