C’est une enquête inédite car "c'est la première fois qu'on obtient un suivi sur vingt ans de la corpulence déclarée des Français", a affirmé Charlotte Verdot, épidémiologiste à Santé publique France, auprès de l'AFP. Dans son dernier Bulletin épidémiologique hebdomadaire, publié ce mardi, Santé publique France présente des résultats issus d'enquêtes téléphoniques, réalisées régulièrement pendant ces vingt dernières années auprès d'un échantillon national représentatif. Au total, 124.541 personnes de 18 à 75 ans ont été interrogées, dont 55.356 hommes et 69.185 femmes. 

Ainsi, entre 1996 et 2008, on observe une hausse chez les hommes interrogés se déclarant en surpoids (de 40% à 48%). Cette proportion semble se stabiliser autour de 48-50% par la suite. De plus, si 7% des hommes sondés étaient en obésité en 1996, ils sont plus de 14% en 2016… et 13% en 2017. En contrepartie, chez les femmes interrogées, le surpoids déclaré, inférieur à 25% en 1996, a augmenté à 39% en 2017. Et l'obésité déclarée, qui était inférieure à 6% en 1996, s'est fixée à 14% en 2017.  

Le surpoids (y compris l'obésité), plus important chez les hommes, semble donc se stabiliser, alors que son augmentation perdure chez les femmes, résume Santé publique France. 

Cette croissance de la corpulence "se retrouve dans tous les pays occidentaux", souligne Charlotte Verdot à l'AFP. La raison ? les évolutions de mode de vie, avec une "hausse de la sédentarité, une baisse de l'activité physique, davantage de 'malbouffe'"... Cette étude montre "que l'évolution n'a pas été la même chez les hommes et les femmes", poursuit-elle. Parmi les facteurs pouvant expliquer cette différence, "on peut mettre en parallèle les niveaux d'activité physique qui se dégradent dernièrement chez les femmes alors qu'ils se maintiennent chez les hommes", relève l'épidémiologiste. 


"Il manque des données liées à l'âge : on sait qu'il peut y avoir un basculement chez les femmes à la ménopause, pointe pour sa part à l'AFP Karine Clément, professeure de nutrition à Sorbonne Université et directrice d'unité de recherche à l'Inserm. L'obésité est une maladie multifactorielle, qui reflète l'évolution de notre société mais peut aussi avoir des liens avec la vulnérabilité sociale." Des facteurs liés "au stress, aux perturbateurs endocriniens, aux mécanismes biologiques qui conduisent à la prise de poids chez certaines personnes", ne sont pas tous entièrement appréhendés, estime-t-elle. 

Comme le surpoids concerne quasiment la moitié de la population française, il est "urgent d'avoir des campagnes de prise en charge à titre préventif, mais aussi une fois qu'il est installé", plaide Karine Clément. Car le surpoids et l'obésité constituent des facteurs de risque majeurs des maladies non transmissibles, telles que les maladies cardiovasculaires, le diabète, certains cancers ou de décès prématurés, ainsi que de certaines maladies infectieuses comme cela a pu être mis en évidence lors de la crise sanitaire. 


En avril 2023, Martine Laville, professeure de nutrition à l'université de Lyon, avait soumis un rapport sur la prévention et la prise en charge de l’obésité à François Braun, alors ministre de la Santé et de la Prévention, et à Jean-Christophe Combe, alors ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées. Elle y formulait 40 propositions pour lutter contre l'obésité, dont la mise en place d'une offre de restauration scolaire attractive pour les élèves, notamment dans les quartiers prioritaires, ou l'intégration du repérage du surpoids et de l'obésité dans la nouvelle consultation de prévention. 

[avec l'AFP]

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