Article publié dans Concours pluripro, octobre 2024
 

C'est un paradoxe remarquable : parler de santé mentale, c'est à la fois parler de pénurie et de foisonnement. Pénurie, car le manque de psychiatres, et plus généralement de ressources, est bien souvent l'entrée en matière de tout échange portant sur le sujet. Mais aussi foisonnement, car des plans territoriaux de santé mentale (PTSM) aux conseils locaux de santé mentale (CLSM) en passant par les dispositifs de soins partagés en psychiatrie (DSPP) et les dispositifs d'appui en santé mentale (DiASM) – pour ne citer que quelques-uns des sigles en usage dans le milieu –, le champ de la santé mentale fourmille d'acteurs et d'initiatives qui le rendent souvent impénétrable au commun des mortels. Voilà au moins deux raisons qui poussent les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) – qui comptent parmi leurs missions principales l'accès aux soins et la coordination des acteurs – à s'investir de plus en plus fortement sur cette thématique.

Mais d'abord le constat. En France, 13 millions de personnes, soit un cinquième de la population, sont concernées par la maladie mentale et les troubles psychiques. C'est ce que rappelait l'an dernier le gouvernement lors du bilan de sa feuille de route "Santé mentale et psychiatrie". Ce sont donc au moins 13 millions de personnes (sans compter les proches et les nécessaires efforts de prévention) qui, chaque année, sont en contact avec des professionnels de la santé mentale. Or ceux-ci sont trop peu nombreux pour faire face à une demande grandissante. On évoque régulièrement la pénurie de psychiatres (en moyenne, chaque année, plus de 10 % des postes d'internes restent vacants dans la spécialité), mais des infirmières aux psychologues en passant par les médecins généralistes, c'est toute la chaîne du soin qui manque de bras.

 

Répondre au manque de moyens

"Nous sommes actuellement dans une situation de crise entre l'offre et la demande de soins, que ce soit en pédopsychiatrie, en psychiatrie de l'adolescent ou en psychiatrie de l'adulte, résume Christine Passerieux, psychiatre et cheffe de pôle au centre hospitalier de Versailles. L'un des enjeux consiste donc à proposer de la façon la plus claire possible une gradation des soins : il existe une grande diversité de situations en termes de sévérité, de nature, et nous avançons beaucoup pour proposer le bon niveau de spécialisation et d'accompagnement aux patients." En d'autres termes : en situation de tension, le bon usage des ressources, qui permet de mettre le bon professionnel devant le bon patient au bon moment, est essentiel. Et justement, "les CPTS peuvent avoir un rôle de facilitation de la disponibilité des ressources et de clarification des parcours" qui peut s'avérer essentiel dans un tel contexte, ajoute Christine Passerieux.

L'un des exemples de ce rôle de facilitation et de clarification dans un contexte de ressources rares peut être le projet "Médecine générale et psychiatrie 37", qui lie l'équipe du service de psychiatrie du CHRU de Tours et le Collectif des CPTS 37, qui regroupe les 6 CPTS d'Indre-et-Loire. "Ce projet a pour but de répondre au manque de moyens en psychiatrie sur le territoire, explique Alice Perrain, médecin généraliste, vice-présidente de la CPTS Asclepios, qui regroupe les communes autour d'Amboise, et référente du projet pour le Collectif des CPTS 37. Il nous faut réfléchir aux moyens de soigner autrement, c'est-à-dire, pour dire les choses un peu brutalement, de soigner sans psychiatre."

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