« La prévention, c’est quelque chose de compliqué à mettre en oeuvre et à évaluer », estime Gisèle Gravier, coordinatrice de la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) du Sud-Lochois, la première lancée dans la région Centre-Val de Loire. Mais cet écueil n’a pas empêché les professionnels de s’engager dans cette voie, et notamment dans la lutte contre le tabagisme. Depuis trois ans, l’équipe organise, pendant le mois de novembre, des événements afin de profiter de la résonance nationale de l’opération « Mois sans tabac ».

Pour cela, la CPTS a répondu à un appel à projets de la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) qui lui permet de bénéficier de financements pour mener des actions et un suivi des fumeurs sur deux mois, jusqu’à fin décembre.

Nathalie Jan, médecin généraliste, partage son temps entre un poste de praticien à l’hôpital de Loche, en gynécologie et tabacologie, et une activité en cabinet, également consacrée à la tabacologie, à la gynécologie ainsi qu’à l’hypnose et l’EMDR [eye movement desensitization and reprocessing, NDLR]. Présidente d’une association de lutte contre les violences sexuelles, Dire et guérir, elle s’est spécialisée dans la tabacologie pour répondre à un besoin de l’hôpital lochois, mais « tout est en rapport, souligne-t-elle. On retrouve parmi les fumeurs de nombreuses victimes de psychotraumatismes, souvent d’ordre sexuel, dans l’enfance. Et je les aide à les réparer ».

Des randonnées en plein air

Les actions s’étendent hors les murs avec des randonnées auxquelles participent non seulement des fumeurs mais aussi toute personne intéressée par les questions de santé. Sur les 60 à 80 participants, « tout le monde n’est pas fumeur, mais tout le monde connaît des fumeurs », note Gisèle Gravier. Et, au décours de la balade, le médecin prévoit quelques pauses pour exposer les enjeux de la lutte contre le tabac : « Je parle de la dépendance. J’insiste sur le fait qu’il ne faut pas stigmatiser les fumeurs ou les culpabiliser. Ça ne sert à rien sinon à les enfermer. » Invités à ne pas fumer avant la balade, les participants se voient proposer des tests CO, avant et après, pour observer les effets de ces quelques heures de bon air. Les messages qu’ils y enregistrent « seront autant de petits cailloux à mettre dans leur besace d’envie d’arrêter de fumer… jusqu’à ce qu’elle soit pleine », insiste Gisèle Gravier.

Randonnées organisées par la CPTS du Sud-Lochois
Chaque année, les randonnées organisées par la CPTS du Sud-Lochois à l’occasion du « Mois sans tabac » réunissent plusieurs dizaines de marcheurs, fumeurs et non-fumeurs.

 

Ces randonnées sont accompagnées par des masseurs-kinésithérapeutes, dont Patricia Tarrier, qui exerce à la MSP de Ligueil : « Nous accueillons des gens valides, mais aussi des personnes venues d’un centre d’aide par le travail (CAT), handicapées physiques ou mentales. Certains sont de gros fumeurs. Mon rôle est de faire une petite gymnastique de préparation avant la balade : des exercices pour les pieds, les chevilles, les genoux, un travail des bras en inspirant et soufflant, sur de la musique. J’ai aussi une calèche et un cheval pour faire la “voiture-balai” si quelqu’un est trop fatigué… mais ce n’est arrivé qu’une fois. Je mets aussi des messages publicitaires sur la voiture et je porte un ciré jaune “Mois sans tabac”. La première année, j’ai aussi proposé des étirements à la fin de la balade. Depuis, l’association le Yoga du rire s’en est chargé. »

Du médecin à l’infirmière

L’an dernier, la maison de santé de Descartes (Loches) avait également organisé, dans ce cadre, des journées portes ouvertes. À la suite de cet événement, Christèle Fleury, infirmière libérale Asalée, et formée à l’accompagnement des patients tabagiques par le Dr Nathalie Jan, avait reçu une dizaine de patients en consultation tabac. Le médecin lui adresse aussi des patients et elle peut leur proposer des consultations d’une heure pendant lesquelles elle fait de l’éducation thérapeutique. Ainsi, après deux mois de suivi, « quatre ont vraiment arrêté de fumer, se réjouit-elle, et deux souhaitent me revoir ».

L’infirmière apprécie d’accompagner ainsi les patients, de leur consacrer du temps, et souhaiterait avoir des financements pour le faire toute l’année. « Il faut valoriser les gens. Il y a une relation forte qui s’installe, mais on voit aussi beaucoup de souffrance chez les grands fumeurs. En tant qu’infirmière, quand je me sens dépassée, j’oriente les personnes vers un psychologue ou vers le médecin. »

Il ne faut pas stigmatiser les fumeurs ou les culpabiliser. Ça ne sert à rien sinon à les enfermer
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