Au 26 mars 2025, la France recensait 35 féminicides. C'est le premier constat présenté par Charlotte Goolaerts, médecin généraliste, vendredi au CMGF, lors de sa présentation de la thèse soutenue par Clara Schlouch et Noélie Poure. Une enquête qui dévoile des chiffres troublants : à l’échelle mondiale, 1 femme sur 3 a déjà subi des violences par son partenaire intime. Et en 2022, 118 féminicides étaient comptabilisés en France.  

La prise en charge et le repérage de violences conjugales représentent un enjeu majeur de santé publique. Et le médecin généraliste y joue un rôle central. Cependant, cette prise en charge est susceptible de générer un impact vicariant, un traumatisme indirect, subi par des professionnels exposés quotidiennement à des situations émotionnellement chargées. L'étude qualitative, réalisée par entretiens semi-dirigés entre août 2023 et janvier 2024 sur des médecins thésés, installés ou remplaçants, les départements des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse, questionne ainsi cet impact vicariant mais aussi sur les stratégies mises en place par les médecins pour y faire face. 

 

Un “sujet d’actualité” mais un manque de formation

Tout d’abord, si la majorité des médecins interrogés estime qu’il s'agit d'un "sujet d'actualité", la plupart pointent du doigt le fait qu'ils n'ont pas été formés à la prise en charge des violences conjugales. Or, rappelle Gilles Lazimi, médecin généraliste au CMS Louise-Michel, et animateur de cette session au CMGF, "on ne sait faire que ce que l'on a appris"

Alors que les médecins généralistes sont souvent les premiers recours pour les patientes, le dépistage sur point d'appel, en opposition au dépistage systématique, reste le plus naturel pour les médecins interrogés. Lors de l’entretien, l'un d'eux affirme ainsi que "quand elles viennent souvent, qu'on sent qu'elles sont un peu en détresse", il va "poser des questions". Mais les diagnostics restent "camouflés", estime Charlotte Goolaerts, par les autres motifs de consultation. Celle-ci en déduit ainsi l'importance "d'oser poser la question, avec plus d'aisance et d'expérience"

Malheureusement, les freins au dépistage restent très nombreux : manque de temps, sentiment d'être intrusif, appréhension de la confrontation à la situation, et même peur des représailles des auteurs. "Ce sont des situations qui ne sont pas agréables en tant que soignant, donc c'est peut-être pour ça qu'on évite de les dépister !", s'est interrogé un médecin lors de l'enquête.  

Et des obstacles surviennent également au niveau de la prise en charge. Quelle sont les différentes possibilités proposées par les médecins interrogés ? Signalement aux autorités, traitements médicamenteux, orientation vers une psychothérapie, soutien et encouragement de la patiente, orientation vers des associations locales ou encore proposition d'écoute. Les consultations demandent trop de temps, les démarches juridiques sont complexes – Gilles Lazimi rappelle qu'il "ne faut pas le faire à leur place. Si vous le faites à [leur] place, vous le faites contre [elles]" – et n'aboutissent que rarement, l'adaptation au contexte social et culturel de la patiente est difficile et celle-ci est souvent contre la prise en charge car sous emprise de l'auteur des violences.  

 

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