"Dans un contexte de défiance croissante envers la science, nourrie par les crises sanitaires, géopolitiques et la montée des discours complotistes, la désinformation en santé est devenue un enjeu majeur de santé publique. Face à un phénomène qui fragilise nos institutions et alimente les dérives, l’État doit répondre avec détermination" expliquait, le 18 avril dernier, Yannick Neuder, ministre en charge de la Santé et de l’Accès aux soins, lors du colloque "Lutte contre l’obscurantisme et la désinformation en santé", organisé au sein de l'avenue Duquesne. Un enjeu d'autant que 35% des Français estiment qu’il est difficile de trouver des informations fiables en matière de santé, ou que 47% déclarent avoir déjà été confrontés à une fake news dans le domaine de la santé, précise le ministère, citant une étude de Verian pour Harmonie santé, en lien avec l'Inserm. En 2020, en pleine pandémie du Covid-19, l’OMS mettait déjà en garde contre l’infodémie, l’épidémie de fausses informations, qu'elle jugeait aussi dangereuse que le virus lui-même 

Qu'est-ce que la désinformation ? Pour Laurent Cordonnier, chercheur en sciences sociales à la fondation Descartes, il s'agit de "la mise en circulation dans l’espace public de nouvelles fausses qui sont susceptibles d’induire en erreur le public sur un sujet donné". Si le phénomène n'est pas cent, il a pris une ampleur considérable avec le développement d’Internet et des réseaux sociaux. La santé n’y échappe pas. C’est même un de ses terrains de prédilection. Et l’inquiétude est d’autant plus grande que la défiance envers la science et les institutions est alimentée, depuis peu, par des discours venus d'Outre-Atlantique "La France doit réagir : nous sommes le pays des Lumières, de Pasteur, de la vaccination. Notre parole compte sur ces sujets", a insisté Yannick Neuder, qui souhaite établir "une sorte de contrôle qualité des informations en santé". 

Une "forme illégale de la médecine"

Pour y parvenir, le ministère propose de créer un observatoire des fausses informations en santé avec l'idée de "publier régulièrement un baromètre de la désinformation en santé", a ajouté le ministre, qui souhaite également s'appuyer sur le Digital Services Act pour alerter les plateformes numériques sur les fake news médicales. Parmi les autres solutions mises en avant : la mise en place de formations citoyennes gratuites, la création, en lien avec le ministère de l'Éducation nationale, d'un programme d'éducation à la pensée critique en matière d'informations médicales, ou encore la formation des agents publics sur la désinformation… Rappelant que des actions ont déjà menées vis-à-vis des sectes "qui peuvent encourager leurs adeptes à arrêter des traitements conventionnels et à privilégier des traitements alternatifs" – ce que le ministre qualifie d'une "forme illégale de la médecine" , Yannick Neuder a assuré vouloir pouvoir "produire des alertes, par exemple en saisissant l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle ou numérique". 

Dans un rapport publié en juin 2023, le Conseil national de lOrdre des médecins (Cnom) met en garde contre les dérives liées aux pratiques de soins non conventionnels. Plus récemment, le rapport d’activités 2022/2024 de la Mission Interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires évoque "un accroissement des thérapies alternatives et des pratiques non conventionnelles de soin, du fait de la grande vulnérabilité des personnes en souffrance physique ou psychique" mais aussi "des risques encourus par les mineurs, parce que leur développement social, affectif et matériel est encore inachevé et qu’ils sont plus perméables aux discours relayés sur les réseaux sociaux". Claire Siret, qui préside la section santé publique du Cnom, souhaite d’ailleurs que l’utilisation des termes de "médecine" ou "docteur" soit davantage encadrée et rappelle que la dénomination même de "pratiques de soins non conventionnelles" est sujet à caution. 

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