"Depuis mon entrée à l'IFMK*, ma santé mentale s'est dégradée à cause de la pression liée aux frais de scolarité incompatible avec la charge de travail qui nous est imposée." 31% des étudiants en kinésithérapie ont déjà pensé à arrêter leurs études, révèle la Fédération nationale des étudiants en kinésithérapie dans une enquête publiée ce matin. Réalisée via un questionnaire de novembre 2024 à février 2025, celle-ci met en lumière les conditions de vie et d’études des étudiants en kinésithérapie 

Sur les 12.622 étudiants kiné, "1 sur 6" a répondu à l'enquête, précise la Fnek (soit près de 1.800 étudiants) dont 55% inscrits dans un IFMK public et 45% dans un institut privé. "L’objectif de diversification des profils des futurs soignants est loin d’être atteint", note l'enquête, car "les étudiants en kiné sont issus majoritairement de manière surreprésentée de familles de cadres et professions intellectuelles et d’employés"


Le coût des études pour le même diplôme de kinésithérapeute s'élevant à 850 euros dans le public et 42.000 euros dans le privé, 4 étudiants sur 10 doivent s'endetter pour payer les frais de scolarité dans le privé, contre 11% dans le public. De plus, dans le privé, 72 % des étudiants doivent travailler en parallèle de leurs études pour subvenir à leurs besoins. "Dans le public, c’est 10 % de moins", note la Fnek : "70 % déclarent connaître des difficultés financières à plusieurs reprises dans l’année et 7 % vivent ces situations chaque semaine." Des chiffres qui révèlent "une précarité alarmante incompatible avec des études exigeantes sur les plans physique, intellectuel et émotionnel". D'où le souhait de la fédération de passer tous les instituts de formation "dans le secteur public et à frais universitaires, afin de garantir une formation accessible à toutes et tous, sans condition de ressources".  

Parce que "étudier de 8h à 18h et devoir travailler de 18h à 00h n'est pas viable pour devenir kinésithérapeute dans de bonnes conditions", la Fnek estime que ces emplois ont "un impact sur 20% des étudiants du privé" alors que les étudiants du public "déclarent se sentir plus soutenus avec bienveillance et moins peur des représailles par leur équipe pédagogique" que ceux du privé, "que ce soit pour des revendications ou pour dénoncer des cas de violences notamment sexistes et sexuelles". 

Parmi les étudiants contraints de travailler à côté de leurs études, 38 % considèrent que ce travail a un impact négatif sur leur santé. 27 % déclarent avoir déjà renoncé à se soigner pour des raisons financières. De plus, depuis leur entrée en études, 1 jeune sur 3 inscrit dans les IFMK privés "saute au minimum un repas par mois par manque de ressource financière". Un chiffre chute de moitié (16 %) dans les IFMK publics. De plus, seuls 20 % des étudiants du privé ont pu avoir accès au service de santé étudiant, révèle l'enquête.  

Concernant les loisirs, 45 % des étudiants disent avoir moins de temps pour leurs loisirs, depuis le début de leurs études, alors que plus de 9 étudiants sur 10 (92%) inscrits dans un IFMK public pratiquent une activité physique ou sportive. Pourtant, "si plus d’un tiers des étudiants est engagé dans une association ou la vie étudiante, autant aimeraient pourvoir le faire davantage". Mais de nombreux freins perdurent : manque de temps (70 %) et de confiance (34 %), pression ou désapprobation de l’IFMK (7 %) ou encore difficultés financières (6 %). 
 


crédit : Fnek


L'enquête révèle également que plus d'un étudiant en kinésithérapie sur deux (53%) se sent exclu de l'université : " La majorité des IFMK ne sont pas intégrés pleinement et sont délocalisés loin des locaux et/ou exclus du fonctionnement des universités. Cette organisation subie les prive d’un accès aux services universitaires, aux aides sociales, et d’une formation à égalité avec les autres filières de santé." Ce qui ne fait qu'accroître la situation de précarité.  

"Devoir travailler, travailler plus, toujours plus…"

Depuis leur entrée en IFMK, 44 % des étudiants n’ont jamais pu manger au restaurant universitaire dont 65% expliquent par un éloignement géographique trop important des campus. "Dans un contexte où 1 étudiant en kiné sur 5 ne mange pas à sa faim, il est nécessaire qu’étudier en kiné ne rime plus avec être exclu des services étudiants", dénonce la Fnek 

De plus, à peine 2 % des étudiants en kinésithérapie résident dans une cité universitaire du Crous et la grande majorité vivent dans un studio ou en colocation, où les loyers sont largement plus élevés qu'en cité universitaire 

Par ailleurs, s'il existe des aides financières de lutte contre la précarité pour les étudiants universitaires, "du fait de leur exclusion, 85 % des étudiants en kiné ignorent leur existence, et moins de 1 % ont pu y avoir recours", précise l'enquête de la Fnek. De même, les étudiants boursiers ont droit à des mesures d’aide, mais plus de 60 % n’ont pas accès au repas à 1 euro pour le midi et la moitié ne sont pas exonérés de la CVEC (taxe étudiante).  

Dans l'enquête, plus de 3 étudiants sur 10 (35%) déclarent que leur santé mentale s’est dégradée depuis leur entrée en formation et la pression de devoir travailler. "Devoir travailler, travailler plus, toujours plus pour répondre aux relances de paiement de l’école, c’est dur, je n’ai pas le droit à un accroc dans mes études", confie ainsi un étudiant.  

Pour la Fnek, l’intégration universitaire de l’ensemble des instituts de formation doit être "une priorité" : "C’est la seule solution pérenne pour garantir une formation de qualité, un accompagnement adapté et un accès équitable aux droits étudiants." Rappelant qu'en contrepartie de l'obligation exercer en zones sous-dotées ou en salariat durant deux ans dès 2028, les kinés devaient voir leurs frais de scolarité harmonisés aux frais universitaires avant le 1er janvier 2025 et leur rémunération revalorisée. Mais "rien n'est fait" concernant l'harmonisation des frais, dénonce la Fnek, alors que les revalorisations prévues au 1er juillet 2025 ont été reportées"Les étudiants, déjà précaires avant ces mesures, n’ont plus aucune perspective : s’endetter d’en moyenne 25.000 euros pendant ses études pour être à la fois restreint dans son exercice et rémunéré au lance-pierre. La filière kinésithérapie est négligée." 

 

NOTE 
* Institut de formation en masso-kinésithérapie 
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