EssOr Prévention pour Essonne orthophonie prévention : "Nous avons créé cette association à la suite d’échanges informels sur les réseaux sociaux mais aussi de nos constats sur le manque d’orthopho­nistes sur le département", explique Pauline Chevallier, sa présidente. Objectif : réfléchir à des solutions face à l’aug­mentation croissante des demandes de prise en charge mais aussi à la manière de mutualiser les efforts tout en créant du lien entre les orthophonistes du territoire. En toile de fond, la cinquantaine d’orthophonistes membres souhaitent avant tout agir en prévention, en impliquant les médecins généralistes, pour une meilleure prise en charge des patients. Une démarche qui permettrait d’ai­der à pallier le manque d’orthophonistes sur le départe­ment de l’Essonne.

Au 1er janvier 2019, 38,2 orthophonistes exerçaient en France pour 100 000 habitants, estimait la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). Un chiffre qui, dans l’Essonne, tombe à 21,6. La féminisation de la profession (96,8 % sont des femmes) peut aussi avoir un impact sur l’organisation de l’offre de soins. D’autant plus qu’en parallèle, "trop peu de professionnels sont formés chaque année, dénonce Adèle Colin, vice-présidente de l’association. Certes, le nombre d’écoles de formation a aug­menté mais celui des professionnels formés, soit 912 places sur la période 2020-2021, ne suffit pas à combler la demande."

 

Une méconnaissance du métier

L’un des objectifs de l’association est de créer plus d’échanges avec les médecins traitants, notamment pour les informer des raisons de l’engorgement des cabi­nets d’orthophonie. "Souvent, ils prescrivent des séances d’orthophonie pour leur patient et s’interrogent lorsqu’elles n’ont pas pu être réalisées, rapporte Adèle Colin. Ils ne sont pas toujours au courant des raisons de la saturation de nos cabinets." Deux problématiques se conjuguent, estime-t-elle. Tout d’abord, "les parents ont souvent une pression du corps enseignant, ce qui les conduit à se rendre chez le médecin pour obtenir une prescription pour des séances d’orthophonie alors que les enfants n’en ont pas forcément besoin, ou alors pas dans l’immédiat", fait savoir Pauline Chevallier.

On veut créer un partenariat entre les orthophonistes et les médecins car ils sont dans un rôle primaire de repérage

Autre problématique, ajoute-t-elle, "les médecins ne sont pas forcément au courant de l’ensemble de nos compétences, ce qui peut conduire à des orientations tardives". Et pour cause : la sphère d’intervention des orthophonistes est large. Ils interviennent pour prévenir, évaluer et traiter les dif­ficultés ou troubles du langage oral et écrit, de la com­munication, des fonctions oro-myo-faciales et des autres activités cognitives, aussi bien chez les jeunes enfants que chez la personne âgée. "De nombreux soins peuvent com­mencer très jeunes, chez les nourrissons, et les médecins ne sont pas forcément informés", déplore Adèle Colin. Résultat : les enfants sont adressés et pris en charge tardivement. Outre les risques de surhandicap, ils requièrent alors une prise en charge plus longue, ce qui peut engendrer une frustration mais aussi un allongement du suivi et, par extension, une saturation des cabinets.

Informer les praticiens

La solution ? Informer les médecins du territoire pour amener un adressage plus ajusté des patients et ainsi per­mettre une meilleure réponse en termes de soins. Pour y parvenir, EssOr Prévention a l’avantage d’être partenaire de l’association Espace Vie, qui oeuvre sur le département à une meilleure articulation des actions des profession­nels de santé libéraux, afin d’améliorer le parcours de soins du patient. "Nous avons présenté notre objectif à ses re­présentants et comme nous nous inscrivons dans une démarche pluriprofessionnelle, ils ont accepté de nous soutenir", se féli­cite Pauline Chevallier.

À la suite du lancement d’une série de webinaires, Espace Vie a autorisé EssOr Prévention à en animer un à destination des médecins, pédiatres, oto-rhino-laryn­gologistes (ORL) et tous professionnels de santé gravi­tant autour des enfants. L’association a ainsi pu balayer les compétences des orthophonistes, la problématique de l’accès aux soins et les parcours de soins coordonnés. "Désormais, nous souhaiterions organiser une demi-journée ou une soirée en présentiel avec les médecins pour transmettre des informations plus concrètes : revoir les indications de pres­cription des actes, présenter les outils de dépistage et les expé­rimenter ou encore réfléchir ensemble à ce qu’il est possible de mettre en place dans leur pratique quotidienne pour améliorer le dépistage", souligne la présidente.

Une démarche d’autant plus importante pour les enfants que tous n’ont pas accès à des pédiatres. Les médecins généralistes doivent donc utiliser des outils de dépistage à leur disposition pour les orienter au mieux. "Nous sou­haitons surtout créer un partenariat entre les orthophonistes et les médecins prescripteurs pour les remettre au coeur du parcours de soins car ils sont dans un rôle primaire de repérage, indique Adèle Colin. Avec deux ou trois outils rapides et simples d’utilisation, ils peuvent détecter les signaux d’alerte et effectuer un premier “tri” entre la demande urgente et celle qui peut attendre."

Entre frustration et incompréhension

"De nombreux enseignants encouragent les parents à venir nous consulter, parfois directement, sans passer par le médecin, ce qui peut créer des frustrations et des incompréhensions, tout d’abord parce qu’une première consultation chez le médecin permet de déterminer la pertinence d’une indication orthophonique et aussi parce que nous sommes une profession prescrite. Nous avons donc besoin de l’ordonnance du médecin pour intervenir", rappelle Adèle Colin. Elle souhaite donc trouver une collaboration optimale entre les trois : EssOr Prévention, l’Éducation na­tionale et les médecins généralistes. D’autant qu’au moment de la création de l’association, des directeurs d’école avaient contacté ses responsables pour intervenir auprès du per­sonnel enseignant.

L’association mène aussi des actions vis-à-vis des familles et souhaiterait agir dans le cadre de cours de préparation à l’accouchement de sages-femmes ou en PMI pour faire de la prévention sur la surexposition aux écrans ou le dévelop­pement du langage. "On entend aussi développer un projet de prévention précoce autour de l’émergence du langage chez les tout-petits à travers des sessions qui s’appuient sur le principe que tout est langage au quotidien. Par exemple, comment renforcer le langage au cours d’un atelier cuisine, explique Pauline Chevallier. Nous voudrions obtenir des financements de l’ARS pour le déployer."

L’association assure enfin une mission à destination de ses membres, via des groupes de travail pour échanger au sujet des prises en charge, formations, nouveaux protocoles ou supports de rééducation. "Pour le moment, nos groupes de travail ciblent les orthophonistes salariés, libéraux et étudiants, rapporte-t-elle. Nous sommes dans une démarche de mutualisation, dans des échanges de pratiques, pour répondre à un besoin de partage." Ce que reconnaît Adèle Colin : "Plus nous mutualisons, mieux nous allons pouvoir agir. Nous avons beaucoup d’idées, mais il nous faut du temps pour les réaliser et rechercher des financements."

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