Trois échelles d’intervention
Le premier échelon du site s’adresse aux patients sous une forme d’empowerment et d’accès à l’éducation aux soins orthophoniques. « L’essentiel pour nous est de partir du vécu, du quotidien des personnes. Les fiches sont rédigées par des orthophonistes en fonction des questions qui leur arrivent du terrain. Créer ces fiches demande du temps, mais elles peuvent être utiles au plus grand nombre et aussi réduire les demandes de consultation », espère Élodie Pascual.
Deux autres étages sont actuellement expérimentés dans trois régions (Hauts-de-France, Grand Est et Bourgogne-Franche-Comté) grâce à un financement de leur agence régionale de santé (ARS). Le deuxième niveau comprend une plateforme de régulation téléphonique et un questionnaire. Ainsi, en cas de non-réponse à une question, la personne peut remplir le formulaire présent à la fin de chaque article, qui déterminera la nécessité ou non d’un bilan orthophonique. En cas de doute, un orthophoniste régulateur régional, formé et financé par son ARS, rappelle le patient pour faire le point sur ses interrogations, orienter ou faire de la prévention si besoin.
Au troisième étage du site, on retrouve une plateforme d’adressage en ligne vers un orthophoniste du secteur. « Cela ne garantit pas d’avoir un rendez-vous plus rapidement, mais on propose à la personne d’envoyer sa question – via la plateforme inzee.care – à un professionnel. Les orthophonistes inscrits peuvent alors valider ou non la demande de bilan, en fonction de leurs propres disponibilités », explique Élodie Pascual.
Un support pour d’autres professionnels
Pensé comme un outil de prévention et d’information, le site peut servir de support aux médecins généralistes. « Vu la diversité des contributions, c’est une source d’information intéressante à recommander aux parents, précise le Dr Yannick Schmitt, médecin généraliste installé à Lingolsheim, commune limitrophe de Strasbourg. Je fais pas mal de pédiatrie, et lors d’une consultation de suivi, la discussion avec les parents prend autant de temps que l’examen lui-même car il faut répondre aux inquiétudes, faire de l’éducation, conseiller… On a beau donner des réponses en cabinet, c’est toujours bien de les laisser repartir avec un complément d’information à aller explorer à la maison. »
Pour l’ARS Bourgogne-Franche-Comté, qui a financé les volets 2 et 3 au niveau de sa région, cet outil – qui sera répertorié dans le Pass santé jeunes – « doit permettre d’améliorer et de préciser la réponse aux besoins de soins en orthophonie. Nous avons souhaité accompagner ce projet non seulement au regard des problématiques grandissantes en termes d’accès aux soins mais également des projets régionaux en cours (parcours du développement de l’enfant, handicap…) », précise l’agence.
La construction et le financement du site ont été assurés par la FNO en partenariat avec les URPS, les syndicats régionaux, les associations de prévention en orthophonie… Pour autant, financer, créer et animer un site afin de limiter le recours à l’orthophonie – soit moins de patients en cabinet et un gain financier moindre –, est-ce contradictoire ? Non, affirme Élodie Pascual, car « on mise sur une meilleure utilisation du soin par l’usager. À travers cet outil, on investit dans l’accès aux soins, et on souhaiterait que les ARS s’engagent plus largement sur les volets 2 et 3 afin d’avoir un rayonnement national ».
En complément des évaluations réalisées par les ARS et l’équipe, trois mémoires tentent de faire avancer la recherche sur l’accès aux soins orthophoniques. L’un d’entre eux, réalisé par Laura Cuisinier, actuellement en 4e année d’orthophonie à l’école de Poitiers, tente d’évaluer l’efficacité du niveau 2 en comparant deux régions qui expérimentent, ou pas, le dispositif.
Au 1er janvier 2019, la Drees comptait 25 607 orthophonistes en France. En Charente-Maritime, où exerce Elodie Pascual, le déficit est majeur : « Bordeaux est bien doté, mais en Creuse, par exemple, on compte 1 orthophoniste pour 6 000 habitants. » Pour autant, les professionnels s’engagent, donnent de leur temps afin de garantir un accès aux soins différent, certes, d’une consultation en présentiel mais qui permet d’orienter, de rassurer, de prévenir. Allo-ortho est d’ailleurs le seul site orthophonique référencé aujourd’hui sur le site ameli.