C'est quoi un médecin généraliste traitant ? Comment s'articule-t-il avec les autres professionnels de santé ? Quelles sont les attentes de la société ? Comment rendre la médecine générale plus attractive pour que les jeunes aient envie de s'installer ? Les questions étaient nombreuses ce vendredi matin, à l'ouverture du 10e Congrès de MG France, devant une salle bondée au Carré des docks au Havre, régulièrement balayé par les vents.  

Trois ans après leur dernier congrès à Dijon, le syndicat propose, aujourd'hui et demain, d'embarquer "pour une croisière (…) avec pour horizon 'Accès aux soins : la médecine générale relève le défi'". Des défis nombreux, a assuré Agnès Giannotti, sa présidente, mais que les médecins généralistes relèvent "chaque jour", avec "un million de consultations" "Ces dernières années, on entend les tutelles et les politiques se préoccuper de l'aigu : les soins non programmés, le SAS, la permanence de soins ambulatoires, l'accès aux urgences, détaille la médecin exerçant au sein de la MSP de la Goutte d'Or (Ile-de-France). Ce sont de vrais sujets mais nous entendons très peu parler de la polypathologie, de la souffrance morale, de la multimorbidité… Or, c'est le défi que nous allons devoir affronter, collectivement. Et comment faire face sans généraliser à tous les médecins le travail avec un assistant médical ou une infirmière Asalée. 


crédit : JC Nogrette

 

Le médecin généraliste, pivot du système de santé : Agnès Giannotti en est convaincuemais qu'aujourd'hui, avoue-t-elle, "la médecine générale est moins valorisée, plus compliquée, avec une charge mentale plus difficile que d'autres types d'exercice", notamment avec l'arrivée des centres de soins non programmés ou encore les plateformes de téléconsultation qui "sont en train de déséquilibrer l'offre" et entraînent une "financiarisation du système de santé". Aujourd'hui, "la profession s'interroge beaucoup sur sa place", notamment à un moment où "nous voyons les infirmiers et les pharmaciens dont l'activité petit à petit, mord sur la nôtreQu'est-ce que la société attend de nous ? C'est quoi un médecin généraliste traitant ?"

  

Une opération "Transparence IJ"

Pour la présidente de MG France, le principe de solidarité territoriale obligatoire, tel que présenté par le Premier ministre en avril dernier, "semble mal engagé" parce que "'solidarité' et 'contrainte' sont deux concepts qui nous paraissent tout à fait antinomiques", poursuit-elle. D'autant que ce principe est basé sur "un zonage faux, périmé, qui n'a pas pris en compte les départs des professionnels, et qui ne sait pas faire la différence entre un médecin généraliste traitant et un médecin ayant d'autres activités comme la médecine esthétique. Donc le zonage qui sert de base à ces raisonnements n'est pas opérationnel… Nous voulons des solutions qui marchent et non des solutions qui augmentent les difficultés". 

Évoquant la récente double campagne sur les indemnités journalières lancée par la Cnam, Agnès Giannotti dit "partager" ce souci "parce qu'on veut tous une Sécurité sociale solidaire", mais la profession a été "traumatisée" par la campagne qui a eu lieu il y a deux ans, dénonce-t-elle. "Le mot n'est pas trop fort. Des collègues se sont vus cloués au pilori par un ciblage fait par des algorithmes informatiques qui sont complètement tombés à côté de la plaque." Et parce que MG France s'oppose au fait que des "médecins généralistes soient des boucs émissaires de l'augmentation des indemnités journalières quand nous savons que le coût est imputable à des raisons structurelles, pour la majorité", qu'il est conscient d'avoir sa "part" mais que face au "vieillissement de la population, [au] recul de l'âge de la retraite, [aux] difficultés de l'accès aux soins secondaires, on n'y peut rien", le syndicat lance "dès aujourd'hui" une opération "Transparence IJ", avec "une campagne en direction des assurés sociaux et en direction des médecins" afin que "le coût des IJ soit clairement imputé" : "Ce qui nous incombe, on est prêt à l'assumer, mais ce qui ne nous incombe pas, il ne faut pas nous le mettre sur le dos", a lancé la généraliste.  

"Une présence humaine"

En réponse à la présidente de MG France, Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, a rappelé que les augmentations des IJ sont très importantes "parce que c'est une réalité comptable" mais qu'il s'agit davantage de se dire : "Est-ce que sortent de l'ALD tous ceux qui doivent en sortir ? Heureusement, des ALD font l'objet de rémissions… mais quand j'ai une mission, pourquoi est-ce que je ne sors pas d'ALD ?" Pour la ministre, dès que la rémission est actée par le professionnel de santé, ce serait "logique" qu'on ait une réflexion sur la sortie de l'ALD.  


crédit : Théo Combes 

"La téléconsultation n'est pas la réponse que nous cherchons à mettre en place", a insisté Catherine Vautrin : "Nous ne souhaitons pas non plus avoir un exercice qui soit uniquement dédié aux soins non programmés, déconnecté du suivi des patients et des enjeux de prévention… Pour moi, le médecin généraliste n'est pas un prestataire de service de santé comme un autre, ce n'est pas un maillon logistique d'une chaine de prise en charge. Ce que je souhaite conserver, c'est cette présence humaine, cette capacité à poser la bonne question au bon moment, à détecter ce qui n'est pas dit, et voir ce que les algorithmes n'auront jamais."  

Se disant "préoccupée" par la situation de défiance vis-à-vis de l'Assurance maladie et du ministère, la ministre a tenté de rassurer : "Évidemment, les accès directs à d'autres professionnels de santé, ça n'est, à certain moment, qu'une réponse. Ça n'est en aucun cas la solution. De la même manière, les injonctions contradictoires – prendre plus de patients mais garder sa qualité de vie, être disponible mais sans être surmené, être rémunéré à la hauteur de ses compétences mais dans un cadre budgétaire contraint – c'est une équation compliquée… Mais nous avons la capacité à trouver des réponses." Et pour Catherine Vautrin de réaffirmer sa conviction que "la médecine générale est une spécialité à part entière. Il n'y a pas d'un côté des spécialistes de certaines pathologies et de l'autre un fourre-tout qui serait le médecin généraliste."  

 


Sur la carte du zonage, la ministre a assuré qu'un travail, en cours, vise à déterminer l'âge moyen des médecins par EPCI et l'âge des habitats pour définir les déserts médicaux. "L'idée est ensuite de demander aux ARS et aux élus locaux de corriger ces cartes pour vérifier qu'on ait l'approche la plus réaliste possible", a assuré la ministre, qui a également rappelé son opposition à l'obligation. "C'est un choix de vie que de savoir on veut aller exercer et il est important que chacun ait ce choix." D'où, a-t-elle poursuivi, la présence de plusieurs éléments dans ce Pacte territorial, comme le concept de la consultation avancée et encore du territoire ("Il n'est pas question qu'un soignant du Havre aille 2 jours par mois dans le Lot-et-Garonne") ou encore celui de l'universitarisation dans chaque département, d'où l'importance des lieux de stage, des discussions sur les maîtres de stage… "C'est un travail absolument indispensable parce que c'est comme ça qu'on a une chance que des médecins puissent s'installer." 

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