Dans sa thèse de médecine soutenue le 27 avril 2022, Lucie Roux a étudié "La qualité de vie des médecins généralistes en structures d’exercice coordonné dans les Hauts-de-France en 2021"*, une étude qui apporte un nouvel éclairage sur deux modes d’installations considérés comme attractifs pour les jeunes médecins.
• Libéraux ou salariés, les praticiens interrogés ont des avis communs sur l’exercice coordonnée
Le travail en groupe au sein de structures pluriprofessionnelles est l’atout principal : il permet de rompre l’isolement, d’apporter une entraide professionnelle dans la prise en charge des patients et de partager ses expériences entre différents corps de métier. "Cette motivation qu’ont les médecins de notre étude à travailler de manière pluridisciplinaire, d’échanger avec leurs pairs est sûrement un facteur très déterminant dans leur qualité de vie professionnelle", analyse Lucie Roux. En revanche, chaque équipe au sein des MSP et des CDS exerce de façon différente cet exercice coordonné. Certaines missions peuvent être plus chronophages que d’autres, demander un investissement en formation personnelle et cela que l’on soit salarié ou libéral.
• Des libéraux en MSP écrasés par le poids des tâches administratives
L’exercice de la médecine générale libérale est soumis, quelle que soit la structure d’exercice, à des tâches administratives multiples. Celles-ci sont vivement critiquées par les médecins interrogés dans cette thèse. Les médecins libéraux interrogés doivent également fournir des démarches supplémentaires complexes pour gérer la MSP et son financement. Certains estiment que cette gestion était chronophage, et que le financement de la MSP était "lourd".
• Une charge de travail perçue plus intense en MSP que dans les CDS
Une grande majorité des médecins libéraux en MSP se plaignent d’une charge de travail intense, d’une "hypersollicitation", et certains estiment même être en surmenage. "Aucune étude n’a mesuré le taux horaire réellement effectué dans les deux structures d’exercice. Dans ma recherche, l’analyse n’a pas montré de différence statistique sur le temps de travail, compté en jours/semaine, des deux groupes, mais les libéraux semblent travailler plus que les salariés", note Lucie Roux.
• Des scores élevés de satisfaction de vie et du profil de santé dans les deux groupes
Dans l’ensemble, il existe peu de différences de qualité de vie entre les deux modes d’exercice dans l’étude. Ceci a été confirmé par la grande majorité des résultats. L’échelle visuelle de qualité de vie était identique en médiane à 8/10 dans les deux groupes et en moyenne à 7,75/10 pour les libéraux et de 7,84/10 pour les salariés. On peut considérer qu’il s’agit d’un niveau de vie élevé, car au-dessus de celui obtenu pour la population française en 2020 de 7,2/10 selon les recherches de l’Insee. Il est possible que les conditions matérielles et le niveau de vie élevé des médecins généralistes soit un facteur d’amélioration de cette note.
Concernant la qualité de vie au travail, calculée avec le score de Karasek, les deux groupes présentent un risque d’épuisement professionnel similaire.
• Des médecins salariés s’estimant restreints dans leur liberté d’exercice
L’exercice des médecins en centre de santé est soumis à une hiérarchie. En s’installant en CDS, le médecin salarié est relié par un contrat de travail à son employeur qui peut soumettre l’exercice du médecin à un certain nombre d’obligations qui n’existent pas en libéral. Dans l’optique de son bon fonctionnement financier, le centre de santé peut obliger les médecins à effectuer un nombre minimum d’actes médicaux par an. Cette obligation de rentabilité peut être une source de stress et être mal vécue par les médecins.
De plus, les médecins ont un salaire fixe et ce quel que soit le nombre de consultations qu’ils effectuent par jour. Un médecin dans l'étude s’est plaint d’une 'rétribution moins importante' qu’en exercice libéral. Un autre estime qu’il faudrait augmenter ce salaire pour attirer plus de jeunes médecins vers l’installation. En effet, ce salaire est plafonné en CDS, alors que les revenus libéraux peuvent être plus importants selon l’activité réalisée.
La direction a aussi le droit de fixer le temps de travail du médecin, le rythme des consultations et de limiter le temps des congés accordés. Elle impose le mode de fonctionnement matériel et physique du cabinet. Un médecin salarié en CDS a même mentionné dans les commentaires ne pas disposer de son propre cabinet. D’autres ont trouvé qu’ils exerçaient dans de bonnes conditions et que l’exercice salarié était "confortable". Ne pas s’inquiéter des soucis matériels de son lieu de travail peut aussi être un avantage.
L'étude de Lucie Roux montre que les médecins généralistes exerçant en MSP et en CDS dans les Hauts-de-France ont un niveau de qualité de vie élevé. Ce niveau de qualité de vie, mesuré dans les dimensions subjectives de satisfaction de vie, de ressenti de santé physique et mentale, et de qualité de vie au travail, n’était pas très différent dans les deux groupes. L’exercice coordonné est vraisemblablement un atout pour l’épanouissement professionnel des médecins.
* Sur un total de 666 médecins exerçant en MSP dans les Hauts-de-France, 57 ont répondu, et sur 100 médecins généralistes salariés en CDS, 19 ont répondu à l’enquête.