Article publié dans Concours pluripro, septembre 2024
 

"L'évolution des métiers est nécessaire et, à mon sens, une évidence." C'est par ces mots que Franck Devulder a débuté la dernière session des Tribunes de la santé. "Dans le secteur de la santé, nous vivons aujourd'hui un certain nombre de transitions, notamment épidémiologiques mais aussi démographiques. Depuis les années 1970, le poids des maladies chroniques ne cesse de croître. Ce qui ébranle et complexifie le métier de médecin." Le président de la CSMF le rappelle : 330 000 nouveaux patients en ALD ont été enregistrés en 2023. "La Cnam nous annonce une croissance de 300 000 à 400 000 nouveaux patients sur cette liste par an pour les dix années qui viennent. Cela va poser des problèmes d'accès aux soins et de solvabilité du système."

Du même avis que Stéphanie Rist, qui s'est exprimée un mois plus tôt, Franck Devulder est convaincu que la transformation démographique entraîne des difficultés d'accès aux soins. "Nous ne manquons pas de médecins mais de temps médical." Comme le précise le gastroentérologue, "le nombre de médecins rapporté à la population" n'est pas insuffisant, mais il estime que "les patients ont changé", au même titre que "l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle" aujourd'hui réclamé par les jeunes médecins.

À ses yeux, il existe un troisième élément, qui entraînera forcément des mutations des métiers de la médecine libérale : celui de la transition technologique. "C'est une évidence qui comporte un grand point d'interrogation. Nous ne savons pas à quel point l'intelligence artificielle va modifier et bouleverser nos pratiques et l'accès aux soins. J'ai l'intime conviction que cela va les transformer en bien, car cela va permettre de nous recentrer sur notre métier de clinicien et de rapport à l'autre, là où se situe la richesse de notre profession." Pour toutes ces raisons, Franck Devulder affirme que ces métiers "doivent évoluer, mais qu'ils vont de toute façon évoluer".

 

La pertinence et la qualité des soins

Pour parvenir à ces évolutions, il juge qu'il est temps dès à présent de "moderniser et de réécrire notre système de santé et de protection sociale, véritable 'pépite' de la nation dont nous sommes tellement fiers. Il doit devenir plus protecteur mais aussi plus libéral, dans une optique d'amélioration de l'accès aux soins." Pour cela, le "partage de compétences" – même si Franck Devulder considère que cela ne s'obtient pas par décret mais bien par l'acquisition de compétences – "est primordial", tout comme le sujet de la pertinence et de la qualité des soins qui, pour la première fois, a fait son apparition dans les discussions conventionnelles.

Pour le médecin, ce thème est en lien direct avec la pratique avancée (autre thématique d'actualité) et plus spécifiquement celui des infirmières en pratique avancée (IPA). "Nous manquons d'IPA en France, et je pense qu'elles sont nécessaires pour améliorer l'accès aux soins, avec des critères intangibles de qualité et de pertinence." Cependant, selon lui, "une partie du décret, tout du moins la manière dont il a été rédigé, ne concerne plus la pratique avancée. Nous savons aujourd'hui que nous avons un système de santé à deux vitesses, les difficultés d'accès aux soins sont réelles. Pour autant, écrire dans un texte de loi qu'une partie de la population aura le droit de voir un médecin et une autre que non, cela me gêne. Les IPA ont le droit de prescrire du fait d'une formation poussée et de qualité, mais je pense qu'il ne faut pas tout mélanger".
 

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