Crise sanitaire, soins non programmés, infirmières en pratique avancée, assistants médicaux, démarche qualité, implication des patients dans les maisons de santé… Le cahier des charges de la 3e séance des négociations conventionnelles de l’ACI-MSP, hier, 1er avril, était conséquent. Objectif : déterminer les possibles évolutions de l’ACI-MSP, près de quatre ans après la signature du premier ACI. Objectif : en revoir les modalités et l’adapter aux orientations prises par "Ma santé 2022" et le Ségur de la santé.

Mission crise sanitaire et soins non programmés

Dans le document de travail que Concours pluripro a pu consulter, la Cnam compte allouer 100 points fixes aux maisons de santé pour la rédaction d’un plan de préparation – un forfait versé tous les ans, quel que soit la situation sanitaire – et 350 points variables, selon la patientèle de référence, en cas de crise sanitaire, à "toute action pouvant répondre aux besoins en soins des patients : prise en charge spécifique des patients atteints par la crise sanitaire (protocoles, prévention, etc…) et adaptation de la structure pour faciliter la prise en charge des patients ‘fragiles’ durant la période de crise, en lien avec le plan de préparation prérédigé", précise l’Assurance maladie. Une articulation nécessaire avec la mission crise sanitaire des CPTS, dont les négociations ont été repoussées après les élections professionnelles URPS.


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Lors de la précédente séance, la Cnam proposait de créer un "indicateur socle (prérequis) spécifique à la réalisation des soins non programmés et ainsi revaloriser la réponse aux demandes de soins urgents des patients". En clair, l’indicateur "accès aux soins" serait scindé en deux "pour mettre en exergue le volet ‘soins non programmés’ qui devra s’articuler avec le dispositif SAS à terme (partage d’agenda, …)", précise-t-elle.
 

Source : Cnam

 

Cette fois, l’Assurance maladie souhaite redéfinir les minorations de l’indicateur "horaires d’ouverture", tout en précisant que certaines règles resteraient inchangées : pas de minoration si l’amplitude horaire est égale ou supérieure à douze heures, et un indicateur considéré comme "non atteint" si la durée d’ouverture est inférieure à huit heures.

 

Source : Cnam

 

Ce à quoi le Dr Luc Duquesnel, médecin généraliste au Pôle de Santé Libéral du Pays de Mayenne (Pays de la Loire) et président des Généralistes-CSMF, affiche son désaccord : "Aujourd’hui, le service d’accès aux soins (SAS) est un vrai échec : il y a des problèmes dans les 22 départements qui doivent mener les expérimentations, en termes de gouvernance, d’obligations d’outils, d’accès libre et ouvert à l'agenda, de rémunération… Les médecins demandent 15 euros de majoration sur l’acte mais plusieurs départements ne parviennent pas à le mettre en place. Donc en l’état actuel des choses, il est hors de question de parler de SAS dans un avenant conventionnel à l’ACI-MSP tant qu’on n’aura pas plus de lisibilité sur ce qui va se mettre en place."

Valoriser les IPA et les médiateurs en santé

La Cnam propose également de valoriser l’intégration des infirmières en pratique avancée (IPA) dans les MSP via deux modalités :
> une revalorisation des indicateurs en cas de présence d’une IPA : + 200 points pour les deux missions de santé publique ; + 200 points pour les réunions de concertation pluriprofessionnelles ; + 20 points pour chaque protocole (voir ci-dessous)
> une aide au démarrage de l’activité d’IPA exclusive selon les modalités que prévoit la convention infirmier libéral : 27 000 € sur deux ans (17 000 € puis 10 000 €) à condition d’accueillir, a minima, 50 patients la 1re année et 150 patients la 2e année, pour un maximum de 300 patients.

 


Source : Cnam

Les assistants médicaux du médecin ou de la Sisa ?

Aujourd’hui, deux pistes sont envisageables, précise le document de l’Assurance maladie : "partage de l’assistant médical au sein de la MSP : salariat par la Sisa MSP" et "partage de l’assistant médical uniquement au profit de certains médecins : salariat par un groupement d’employeur issu de la Sisa MSP". Pour chacune, les indicateurs de patientèle "seraient mutualisés/agrégés au sein de la MSP", soit en moyennant "les objectifs d’augmentation de patientèle sur la base de la patiente du médecin traitant (MT) ou de la file active (FA)", précise la Cnam, qui ajoute qu’une aide sera versée par l’Assurance maladie en appui du recrutement d’un assistant médical. En revanche, il ne sera pas possible de cumuler les contrats assistants médicaux "médecins" et "MSP" pour les médecins d’une même maison de santé.

 

Déploiement des assistants médicaux en MSP : patientèles et file active


Source : Données 2019 issues de la rémunération ACI pour les données MSP. Pour l’ensemble des médecins, distribution calculée dans le cadre du dispositif assistants médicaux issu de la convention médicale. @Cnam

 

"Salarier les assistants médicaux dans les MSP organisées en Sisa, et les mettre à disposition des médecins généralistes ou des professionnels de santé de la Sisa, ça peut avoir du sens mais il faut faire la part des choses, notamment si la MSP compte également une IPA… Qui fait quoi ? Quelles missions remplit chacun ? Parce que les assistants médicaux peuvent se limiter à des fonctions administratives, de secrétariat ou alors être une aide à la consultation ou travailler sur les pathologies chroniques… La question c’est vraiment de savoir qui fait quoi ?", poursuit Luc Duquesnel tout en ajoutant qu’il faut aussi s’interroger sur le modèle économique, notamment "quand on voit le prix que ça va coûter en salaires chargées. Un assistant médical niveau infirmière, c’est environ 40 000 euros chargés par an, ce sera certainement un peu plus pour les IPA… Mais que met-on dans la colonne des recettes ?" Pour le médecin généraliste, il s’agit là d’un "vrai sujet".
 

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Au-delà de la rémunération, Luc Duquesnel souligne également un autre problème : "Prenons le cas d’une MSP qui compte 7 médecins dans la Sisa et où seuls 3 décident de faire appel à un assistant médical. Et suivant la proposition de l’Assurance maladie, on doit prendre en compte la patientèle des 7 médecins, tout comme les objectifs qu’il faut atteindre en termes d’augmentation de la patientèle MT/FA. Donc il s’agirait de faire porter aux 3 médecins volontaires les objectifs à atteindre qui, en théorie, sont basés sur la patientèle des 7 médecins. Ce qui n’est tout simplement pas possible.Tout cela nécessite d’être retravaillé."

 

Démarche qualité et implication des usagers

Objectif de l’Assurance maladie : "Renforcer une dynamique d’amélioration continue de l’organisation et de la dispensation des soins". Comment ? En instaurant 4 niveaux de valorisation selon l’atteinte des critères – qui restent à définir – avec en dernier niveau, "une certification de la MSP par un audit externe d’un organisme habilité". Ces critères pourraient porter sur le projet de santé, l’accès à la prise en charge, la mise en place d’une politique qualité, l’hygiène/la désinfection/la stérilisation, l’accueil, la satisfaction des patients… "Nous, Généralistes-CSMF, nous y sommes favorables. Non pour partir sur une certification mais pour s’inscrire dans une vraie démarche qualité, travailler la matrice de maturité de la Haute Autorité de santé… Cela peut avoir un vrai intérêt", note Luc Duquesnel.

Le médecin généraliste est aussi favorable à cette proposition de la Cnam de créer un indicateur optionnel "Implication des usagers" pour promouvoir la participation des patients aux actions de santé publique ou de promotions de la santé portées par la MSP et notamment valoriser l’implication de patients-experts dans la gouvernance de la maison de santé et les programmes d’éducation à la santé. "C’est une bonne idée de travailler avec les patients, le patient expert ou même éventuellement le patient traceur. Mais il ne faut pas laisser s’installer la lourdeur administrative qui peut exister dans les établissements de soins notamment dans les hôpitaux. Car on a tout à gagner à travailler avec les usagers", lance-t-il.

Cette séance du 1er avril devait initialement clore les négociations sur le nouvel ACI-MSP, mais "on en est encore très loin", avoue Luc Duquesnel. Si pour l’heure, la prochaine séance n’a pas encore été fixée, les organisations représentatives attendront les résultats des élections professionnelles [actuellement en cours, NDLR] car "ça risque de bouger". D’ailleurs, ajoute le président des Généralistes-CSMF, lors de la toute première réunion, le 28 janvier dernier, Thomas Fatôme avait déjà évoqué la possibilité que la fin des négos puisse être très tardive…

 

 

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