On ne peut rêver mieux comme cadre de travail. En plein coeur de la ville de Breteuil (4 600 habitants au 1er janvier 2020*) et à quelques enjambées de la mairie, la MSP de l’abbaye de Breteuil se devine sans peine derrière la grille bleu ciel qui en assure l’entrée : 1 400 m2 aménagés dans l’ancien château de l’abbaye bénédictine datant du XIIe siècle, espaces verts, devanture imposante… Un projet porté par la communauté de communes de l’Oise picarde (CCOP) soucieuse de fournir une réponse à la désertification médicale : « Comme dans plusieurs territoires, nos médecins voyaient arriver cette déshérence pour les régions rurales. D’où le souhait de réfléchir à la création d’une MSP pour favoriser l’installation des jeunes médecins », explique Jacques Cotel, son président.

En 2011, « nous avons lancé une étude sur l’offre de soins dans le territoire », explique Jean-Louis Mionnet, masseur-kinésithérapeute, élu à la ville de Breteuil et de la CCOP, qui a porté le projet. Les conclusions ? Un exercice regroupé permettrait d’attirer plus de praticiens vers Breteuil, secteur rural à 30 kilomètres de Beauvais et Amiens. Jean-Louis Mionnet est donc missionné, en 2012, pour sonder les professionnels de la région sur la mise en place d’un tel exercice.

Des idées à foison

En parallèle, une maison de convalescence de 65 lits, propriété de la Fédération nationale des anciens combattants, est revendue au groupe Noble Âge** qui y adjoint un bâtiment de 130 lits pour créer un établissement de soins de suite et réadaptation. Si, pendant le temps des travaux, le groupe utilise l’espace du château, la CCOP finit par le racheter en 2013 avec le projet d’y héberger à la fois une maison de santé et les bureaux de la CCOP. « L’objectif était aussi de conserver ce magnifique patrimoine et de le faire vivre ! », ajoute Jacques Cotel.

Une équipe rapidement constituée – 2 médecins généralistes, 5 masseurs- kinésithérapeutes, 1 orthoptiste et 3 infirmières – se penche sur le projet de santé qui sera présenté à l’ARS Hauts-de-France en mai 2013 pour une labellisation en juin de la même année. « Les choses sont allées assez vite mais, après cette étape, il a fallu faire preuve de patience : appel d’offres d’architectes, travaux parfois lents, détection de plomb, d’amiante, de mérules… Il n’y a que du pétrole qu’on n’a pas trouvé ! », lance Jean-Louis Mionnet. D’autant que le site étant classé, le projet architectural a dû être revu selon les exigences de l’architecte des bâtiments de France (ABF). L’ouverture prévue en avril 2016 n’a donc eu lieu que trois ans plus tard, en avril 2019.

Une offre étoffée

Les soignants ne chôment pas pour autant : le projet de santé est enrichi et l’équipe permanente étoffée. La MSP compte donc aujourd’hui une vingtaine de professionnels : 4 médecins généralistes, 1 sage-femme, 3 infirmières, 5 masseurs-kinésithérapeutes, 2 ostéopathes, 1 ergothérapeute, 1 diététicienne, 1 psychomotricienne, 2 orthoptistes, 1 orthophoniste, 1 psychologue et 2 dentistes, et, à compter d’avril prochain, 2 pédicures-podologues. « Il était important de proposer une offre dentaire, ajoute Jean-Louis Mionnet. Il y a vingt ans, on comptait 5 dentistes sur le territoire et, depuis juin 2019, il n’y en avait plus qu’un. »

À cela s’ajoutent des consultations avancées de spécialistes et de chirurgiens : « La proximité de l’institut médical de Breteuil leur permet de suivre leurs patients opérés à Amiens ou Beauvais, et de proposer des consultations avancées à la population qui n’a plus à se déplacer », se réjouit Jacques Cotel. Une clinique d’Amiens a ainsi loué un bureau à temps plein au sein de la maison de santé pour des consultations de chirurgie orthopédique, d’urologie, de gastro-entérologie, de gynécologie ou encore de rhumatologie… « Elles fonctionnent par vacations de demi-journées tous les quinze jours », explique Jean-Louis Mionnet. Des bureaux, parfois partagés, sont aussi prévus pour un ophtalmologue à proximité de celui des orthoptistes – « la CCOP est prête à investir dans le matériel car aujourd’hui il faut compter quatre à cinq mois d’attente pour un rendez-vous chez un ophtalmologue  », précise-t-il –, un pneumologue, un angiologue, et une endocrinologue- diabétologue. « On est sous-doté en tout ! », lance Jean-Louis Mionnet.

Florence Gressier est la sage-femme « permanente » de la MSP. « À la base hospitalière », tient-elle à rappeler, elle s’est d’abord installée en cabinet isolé, mais « la solitude de l’exercice était pesante ». En 2016, elle contacte Jean-Louis Mionnet et Michel Leblanc, à l’origine du projet, et signe rapidement ! « J’ai trouvé ce que je cherchais : le partage, le travail en commun, un volet prévention, un aspect de groupe… », avoue-t-elle, attendant avec hâte l’arrivée d’un gynécologue médical en avril prochain. Présente à la maison de santé à 60 % (« en raison de mes 4 enfants »), elle partage son cabinet avec une ostéopathe, alternant des consultations au cabinet et des visites à domicile.

La CCOP en renfort

Le rôle de la CCOP ? « Il a été multiple, explique Jean-Louis Mionnet. La CCOP a lancé l’idée de la maison de santé, elle a porté le projet immobilier, évitant ainsi que le bâtiment soit laissé en désuétude. » Aujourd’hui, les locaux sont partagés : 2 étages pour la MSP et une aile du château pour la CCOP. Celle-ci a aussi aménagé, au-dessus, 8 studios pour les professionnels qui interviennent au centre de rééducation : des soignants étrangers (kinés polonais, espagnols, etc.) et des stagiaires des instituts de formation kinés et infirmiers…

Un loyer global est versé à la CCOP par la société civile de moyens (SCM) – qui perçoit le loyer de chaque professionnel de santé – créée au sein de la société interprofessionnelle de soins ambulatoires (Sisa). Très impliquée dans la promotion de cet exercice regroupé, la CCOP « prend en charge le ménage des locaux, le service technique, la maintenance de l’ascenseur… Des aides indirectes qui permettent de proposer des loyers et charges peu élevés. Par exemple, on ne paie pas le loyer des locaux inoccupés », explique Jean-Louis Mionnet.

En neuf mois d’existence, la maison de santé a mis en place diverses actions : des protocoles pluriprofessionnels (suivi du diabète, dépistage et prise en charge du surpoids chez l’enfant), des ateliers d’éducation thérapeutique (obésité de l’enfant), des participations aux événements nationaux (Semaine du goût, Mois sans tabac) ou des ateliers à destination du public (atelier sur le DMP)… « La première année est toujours très intense », avoue Jean-Louis Mionnet qui compte s’appuyer sur Guillaume Fongueuse, le coordinateur-infirmier, pour assurer le bon fonctionnement de la maison de santé et le lancement d’autres projets.

* Chiffres du site de la ville de Breteuil : www.ville-breteuil.fr
** Noble Âge groupe détient 67 établissements : Ehpad, maisons de repos et de soins (MRS), soins de suite et réadaptation (SSR), clinique psychiatrique et hospitalisation à domicile (HAD).

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