Rapporté à la population, le nombre d’équivalents temps plein de médecins libéraux devrait baisser de 18 % entre 2016 et 2040, estimait une étude de la Drees en 2017. Une diminution en densité qui s’explique tant par une baisse de l’offre disponible que par une hausse des besoins de soins, du fait notamment du vieillissement de la population et de l’explosion des maladies chroniques. Consultations écourtées, délais d’attente rallongés, rendez-vous espacés, difficulté à trouver un médecin traitant… Dans les zones sous-dotées, l’ouverture des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) favorise-t-elle l’installation des jeunes généralistes ? Et permet-elle de consolider cette offre ? C’est la question à laquelle répondent Guillaume Chevillard, docteur en géographie, et Julien Mousquès, docteur en sciences économiques, dans une étude publiée par l’Institut de documentation en économie de la santé (Irdes) fin mars dernier.

Si, depuis 2005, la définition des zones déficitaires favorise le déploiement de dispositifs incitatifs dans ces espaces sous-dotés, la mise en place des MSP marque une première étape vers une amélioration des conditions d’exercice. Consolidées par la généralisation de l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI) en 2015, qui permet le versement d’aide en contrepartie de l’atteinte d’objectifs, leur nombre explose : plus de 1 300 MSP en 2020 contre moins de 20 en 2008 (chiffres de la DGOS). Avec, toutefois, une disparité selon les régions : un maillage dense en Bretagne, Pays de la Loire, Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes, et plus diffus en Paca, Corse et Alsace. Au 1er janvier dernier, 61 % de ces structures étaient implantées au sein de territoires marqués par un faible accès aux soins : 35,5 % dans les zones rurales et 28,5 % en espaces périurbains.

Entre +4,1 et +4,4

En s’appuyant sur un échantillon de 2 610 territoires de vie où des MSP ont été créées entre 2008 et 2016 (707 avec MSP et 1 903 sans MSP), l’étude révèle que les zones qui ont vu l’implantation de maisons de santé connaissent une meilleure évolution de l’offre de soins et attirent davantage les jeunes généralistes de moins de 45 ans. Leur densité qui connaît, dans les territoires périurbains avec MSP, une hausse comprise entre 4,1 et 4,4 jeunes généralistes pour 100 000 habitants, et de 3,4 dans les zones rurales.

En parallèle, si la densité de l’ensemble des médecins généralistes libéraux (indépendamment de leur âge) connaît une baisse entre 2004 et 2017 (88,1 pour 100 000 habitants à 77,1), l’étude note une « évolution moins défavorable » dans les zones dotées de maisons de santé : entre 1,4 et 1,7 médecin supplémentaire pour 100 000 habitants. Dans les espaces périurbains, cette évolution dans les zones avec MSP est estimée entre +4 et +4,5 généralistes pour 100 000 habitants. Dans les marges rurales, l’effet causal de l’implantation d’une MSP est estimé entre +2,3 et +2,9 généralistes pour 100 000 habitants.

Ainsi, affirme l’étude, « dans un contexte de raréfaction de l’offre de soins, les maisons de santé permettent davantage d’installations de jeunes généralistes » et concourent à réduire les inégalités territoriales en offre de soins. Mais attention, notent Guillaume Chevillard et Julien Mousquès, cet impact positif des MSP sur la densité des jeunes médecins « permet seulement de ralentir la dégradation de l’offre dans les marges rurales » où les enjeux sont particuliers : faible attractivité, forte raréfaction de l’offre, population âgée, éloignement…

« D’autres dispositifs complémentaires » pourraient donc y être expérimentés : prise en compte de l’origine sociale et géographique des étudiants, extension d’internats ruraux dans la lignée des stages obligatoires en zones sous-dotées ou encore plus de coopération, notamment entre les généralistes et les infirmières, pour de nouvelles complémentarités. À cet égard, estiment les auteurs, les maisons de santé sont « une réponse doublement intéressante » par leur capacité à attirer des jeunes médecins dans les zones sous-dotées et en tant que « lieu fertile pour produire davantage de soins ».

2 questions à

« Des conditions de travail attractives et un meilleur équilibre »

Deux questions à Guillaume Chevillard, docteur en géographie, et Julien Mousquès, docteur en sciences économiques. 

Quelles sont les principales causes de la raréfaction de l’offre de médecins généralistes et ses conséquences territoriales ?

Plusieurs facteurs l’expliquent. D’abord, les effectifs de médecins généralistes diminuent du fait de départs à la retraite plus nombreux que les installations. Ensuite, les jeunes médecins ont une activité moindre en début de carrière, ce qui conduit à une diminution de l’offre disponible. Enfin, les besoins s’accroissent du fait du vieillissement et de l’augmentation du nombre d’individus. Ce processus vient se greffer sur des inégalités structurelles du territoire français opposant les territoires en termes d’attractivité (emploi, équipements, services...) tant auprès des populations que des médecins. Ainsi, la raréfaction de l’offre de soins n’a pas la même intensité selon le type de territoire. Elle est, par exemple, plus prononcée dans les espaces déjà fragiles comme les marges rurales, éloignées des grandes villes et aux populations plus âgées.

En quoi les MSP permettent-elles de lutter contre la dégradation de l’accessibilité aux médecins ?

En regroupant plusieurs professions de santé de premiers recours, elles offrent des conditions de travail attractives pour les médecins leur permettant, entre autres, de mieux équilibrer leur vie personnelle et professionnelle. Elles se sont historiquement implantées d’abord dans les zones sous-dotées et y sont toujours à l’heure actuelle majoritairement implantées, plus spécifiquement dans les marges rurales et les espaces périurbains. Elles améliorent une partie de l’accessibilité aux médecins en permettant davantage d’installations de généralistes dans ces zones et en structurant ainsi l’offre de soins future. On observe que les espaces avec maisons de santé connaissent une meilleure évolution de l’offre de généralistes. Ces résultats sont observés dans différents types de territoires résultant d’une typologie sociosanitaire.   

Propos parus dans la lettre d’information de l’Irdes, n° 212, 31 mars 2020.

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