C’est une bouteille lancée à la mer, nous écrit-elle, "tellement [ils sont] sur [leur] île, isolés des médias et des politiques". Car en juin dernier, le Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) a annoncé son refus d’installation d’une médecin néerlandaise, spécialiste en endocrinologie et épouse d'un médecin généraliste, que souhaite recruter la maison de santé de Durban, qui a décroché un poste à l'hôpital de Montredon. Motif ? Son diplôme d’endocrinologie obtenu aux Pays-Bas, pourtant pays membre de l’Union européenne, n’est pas reconnu en France... Mais au-delà de ces questions administratives, ce qui frustre Nathalie Richard, chirurgienne-dentiste et cogérante de la MSP, c'est que la décision du Cnom a été prononcée en juin 2023... alors que l’endocrinologue et son mari, Allard Noé, désormais médecin généraliste à la MSP de Durban, sont arrivés en France à l’automne 2022, après avoir reçu l’accord du Conseil régional de l’Ordre des médecins...
 

Le couple va donc rentrer aux Pays-Bas à la fin du mois de septembre. Une décision qu'Allard Noé annonce à ses collègues de la MSP lors de l’Assemblée générale du 1er juillet. "Cette décision est tombée comme un cheveu sur la soupe. Nous avons alerté la Fécop, le Conseil de l’Ordre, et partout où nous le pouvions. Nous sommes désabusés mais combatifs. Nous avons du mal à accepter la situation", confie la secrétaire générale du Syndicat des femmes chirurgiens-dentistes (SFCD) et auteure de la lettre ouverte (voir ci-dessous). Le chasseur de têtes, rémunéré par les 11 mairies rattachées à la MSP, en charge du recrutement du couple "s’était pourtant renseigné avant d’engager toute démarche. Nous ne savons pas ce qu’il s’est passé. La seule chose dont nous soyons sûrs, c’est que le conseil régional avait donné son accord." 

Au-delà de la colère de perdre un des deux seuls médecins généralistes de la MSP, Nathalie Richard souhaite au travers de sa lettre "réunir tout le monde autour de la table afin d’harmoniser les diplômes à l’échelle européenne. Cette Europe de la santé n’existe pas. Ce n’est pas possible, il faut y travailler car il y aura des échanges de toute façon", martèle-t-elle.

Pour l’heure, les professionnels de santé de la MSP de Durban sont toujours à la recherche d’un médecin généraliste qui viendrait remplacer Allard Noé. "En cette période estivale, nous n’avons toujours pas de retour", indique la chirurgienne-dentiste. "C’est aussi pour ça que j’ai choisi de rédiger cette lettre ouverte. Je me suis dit qu’un médecin serait peut-être intéressé pour nous rejoindre. Nous sommes ouverts à tout et nous sommes une équipe sympathique", conclut-elle.

FOCUS

Lettre ouverte sur les déserts médicaux par la maison de santé de Durban-Corbières

La santé est en crise. Tout le monde le sait, le voit, le vit. Depuis une dizaine d’années, nous avons pris l’habitude d’entendre les soignants se plaindre, les patients se plaindre, les urgences à bout de souffle. Nous avons pris l’habitude des gesticulations médiatiques de nos politiques, nous avons pris l’habitude de voir les syndicats de la santé dénoncer les conditions et les rythmes de travail.

Mais justement, après une crise sanitaire et quelques grèves comment peut-on encore avoir des situations telles que celle que je vais vous décrire dans notre petit territoire des Corbières ?

En 2000, notre communauté de commune a connu l’abondance avec 4 médecins, 2 kinés, 1 dentiste, 4 infirmiers. En 2010, 3 médecins s’approchant de l’âge de la retraite et soucieux de pérenniser ce trésor, les élus, l’ARS et les soignants ont travaillé main dans la main pour construire une magnifique maison de santé.

8 ans plus tard, le moment est venu de chercher les forces vives, les mairies mettent encore la main à la poche et paient un chasseur de tête pour recruter un médecin généraliste. La perle rare est trouvée en Hollande. Sa femme est médecin spécialiste en endocrinologue, un poste lui est trouvé à l’hôpital de Montredon. Après un an de formation en français médical, c’est décidé ils viennent s’installer en France à l’automne 2022.

Tout le monde s’affaire pour préparer la venue de ce jeune couple : maison, contrat, aide à l’installation. Le Crom donne son accord. Tout va bien, il commence à travailler et reçoit de nombreux patients.

2 mois après, le Cnom refuse l’installation de la jeune femme tout juste maman de 2 jumeaux, la fait venir à Paris à un entretien mais ne propose aucune solution. Le diplôme d’endocrinologie hollandais n’est pas valable en France et ne le sera jamais ! Il serait temps de s’en apercevoir.

Comment est-ce possible en Europe ? Comment personne n’a su harmoniser ces diplômes, quand tout le monde s’active à gérer la pénurie de soignants ? Comment personne ne s’est préoccupé dans les territoires de construire l’Europe de la santé ?

Quel gâchis ! Mettre tant de moyens financier, humain, pour en arriver là !

Les règles sont faites pour être évoluées et adaptées au présent. Gouverner c’est prévoir. Ici, à notre échelle tout a été fait pour devancer le départ de ces trois médecins. Et vous, messieurs les conseillers des Ordres et universitaires de France et d’Europe : qu’avez-vous fait pendant 20 ans ?

Il est grand temps que l’Europe de la santé se mette en marche et que les Ordres, l’ARS, les facultés de médecine et les instances équivalentes des autres pays européens travaillent ensemble pour une plus grande cohérence territoriale.

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