L’enquête montre que les leviers cités par les équipes correspondent souvent, en creux, à leurs freins. Formation, coordination, financement, implication des acteurs… Lorsqu'ils sont présents, tout s’accélère ; lorsqu’ils manquent, tout se grippe.
> Le temps, principal obstacle
En tête des freins : le manque de temps des professionnels de santé : le temps pour concevoir et faire vivre un programme d’ETP, le temps pour orienter les patients, le temps pour suivre la formation ETP de 40 heures, obligatoire pour intervenir sur un programme... Malgré une motivation notable des professionnels de santé à diversifier leur activité via l’ETP, cette réalité temporelle bien ancrée dans les agendas de chacun cristallise les envies collectives.
> Financements ; un catalyseur exigeant
En Occitanie, l’ARS attribue, à chaque équipe, un financement annuel de 350 euros par patient ayant finalisé le programme d’ETP, afin de couvrir les outils, la coordination et l’intervention des professionnels. Mais cette aide est conditionnée à l’atteinte d’un seuil plancher annuel de 25 patients ayant finalisé le programme – en dessous de ce seuil, aucun financement n’est versé. Un obstacle d’autant plus difficile à franchir, compte tenu de freins cités fréquemment : manque d’orientation de la part des professionnels de santé et assiduité inégale des patients car tous ne vont pas au bout du programme. Ainsi, en 2023, seules 4 des 18 équipes ont atteint le seuil des 25 patients…
Et notre enquête a révélé que 13 de ces 18 MSP mobilisent le financement ACI (à travers entre autres la mission de santé publique), pour donner à leur programme les moyens de leurs ambitions.
> Mutualisation, une piste (en partie) porteuse
Certaines structures (associations) endossent le rôle de porteur administratif dans un programme d’ETP, pour le mettre à disposition des équipes.
Lorsque le programme est porté administrativement par une structure externe, la maison de santé est déchargée des formalités et contraintes administratives avec l’ARS – frein cité à de nombreuses reprises. Ce dispositif allège également la pression liée au seuil des 25 patients, celui-ci étant mutualisé entre l’ensemble des équipes impliquées. Chaque équipe perçoit alors, via la structure porteuse, une partie des 350 euros attribués à chaque patient.
La mutualisation a séduit 8 des 18 équipes engagées dans un programme d’ETP, mais elle ne suffit manifestement pas à lever tous les obstacles… Dans les faits, le nombre de patients inclus reste limité – le plus haut niveau observé s’élevant à 13 pour une équipe. Par ailleurs, 45 équipes déclarent vouloir se lancer dans l’ETP sans franchir le cap, signe que les contraintes administratives et le seuil de 25 patients ne sont pas les seuls freins à surmonter.
> Formation : un prérequis, pas un sésame
La formation initiale des 40 heures est un prérequis réglementaire qui acculture les soignants à un projet pluriprofessionnel ETP et à une posture éducative. Selon de nombreux répondants, la présence de professionnels formés aux 40 heures dynamise le projet mais son coût et le temps qu’elle exige, freinent pourtant son accès.
Et la formation ne fait pas tout : même dans les équipes déjà bien armées – 41 d’entre elles comptent plus de trois membres formés – le passage à l’action ne suit pas toujours. La marche reste haute entre être formé… et se lancer réellement dans l’ETP.
> Le coordinateur, pièce maîtresse
Un programme d’ETP ne se pilote pas seul. Il faut un moteur : le coordinateur. Qu’il soit celui de la MSP ou dédié à l’ETP, le constat est clair : plus son temps rémunéré est important, plus la dynamique s'installe et les patients s'inscrivent.
Les coordinateurs le confirment : là où leur fonction est inscrite noir sur blanc dans une fiche mission et est dotée du temps nécessaire, le projet avance et la participation décolle. Là où elle est floue, pas ou peu rémunérée, ou réduite à quelques heures, le projet s’essouffle et le recrutement patient patine…
> Nouveaux métiers et patients partenaires : des atouts qui changent la donne
Infirmières en pratique avancée (IPA), infirmières Asalée (Action de santé libérale en équipe), et assistants médicaux sont identifiés comme des leviers majeurs pour le recrutement et le développement de programmes d’ETP. D’ailleurs, plus de 83% des MSP (15/18) en comptent au moins un/une dans leur équipe.
Quant aux patients partenaires, ils restent rares : seules 3 MSP engagées dans un programme en comptent au sein de leur équipe. Pour elles, leur présence apporte légitimité, sens, savoir expérientiel et expertise. Et les résultats parlent d’eux-mêmes : 2 de ces 3 structures affichent, en 2023, des taux de finalisation de programmes particulièrement remarquables.
> Le bénéfice patients, entre évidence et complexité
Les MSP qui pratiquent l’ETP soulignent avec force l’impact positif sur la santé et le quotidien des patients, impact qu’elles considèrent comme un levier fort de motivation et de satisfaction pour leur équipe. De leur côté, celles ne mettant pas en œuvre de programmes évoquent essentiellement des leviers très opérationnels (plus de temps, de financements, de coordination…), et mentionnent rarement ceux liés aux bénéfices patients. La dimension "patient" qui ne leur échappe pas (puisqu’elle est le sens de leur engagement au quotidien), se retrouve occultée par cette focalisation sur la complexité opérationnelle.