La singularité de la MSP du Chemin Vert ? Une file active composée à moitié de patients vivant avec une maladie infectieuse chronique (dont le VIH-sida) et de patients dits « standard ». Cette structure, créée fin 2018 dans le XIe arrondissement parisien, fait partie d’un groupement plus global comprenant l’association Basiliade, qui accompagne depuis vingt-cinq ans les personnes atteintes de maladies infectieuses via le travail coordonné entre professionnels. Ensemble, ils proposent une prise en charge tant médicale que psychosociale aux patients ne relevant pas du droit commun. Un « montage » né il y a une dizaine d’années environ, dans l’esprit de médecins et d’assistants sociaux qui, s’appuyant sur leur travail en commun existant, souhaitaient disposer d’une maison de santé en ville, pour accompagner les patients atteints d’une maladie infectieuse et suivis jusqu’alors exclusivement à l’hôpital.

Huit médecins généralistes et/ou infectiologues, trois infirmières, une sage-femme et une psychologue composent l’équipe de la MSP. Tous exercent en secteur 1 et appliquent le tiers payant – généralisé pour les patients en affection longue durée (ALD), couverture maladie universelle (CMU), et aide médicale d’État (AME) – permettant de prendre en charge toute personne sans discrimination. Si les professionnels de santé disposent de leur propre patientèle, ils peuvent aussi travailler en collaboration dans le cas de patients atteints d’infections chroniques. « Nous discutons des dossiers avec la psychologue. Par exemple, des problématiques de confiance en soi, de dépression, d’addiction, de traumatisme des patients, notamment ceux atteints du VIH, indique le Dr Pauline Campa, médecin généraliste et attachée au service Maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Saint-Antoine (AP-HP). Avoir une psychologue au sein de la MSP permet une meilleure confiance et une acceptabilité accrue des patients. L’infection par le VIH peut être vécue comme un traumatisme qui se rajoute à d’autres, avec certaines spécificités du fait des conséquences du VIH dans les relations aux autres et d’une stigmatisation, qui nécessite un savoir particulier. »

François Legrand, infirmier libéral, a rejoint le projet en juin 2018 et prend en charge une cinquantaine de patients par jour. Depuis l’ouverture de la maison de santé, deux infirmières libérales l’ont rejoint. « J’ai eu des difficultés à trouver des consœurs car j’ai remarqué que peu connaissent cette approche pluridisciplinaire des soins, rapporte-t-il. Personnellement, c’est ce que je recherchais : intégrer une maison de santé, pouvoir échanger avec des collègues, élargir les prises en charge. Car, lorsqu’on parle de maladies infectieuses, cela implique toutes les comorbidités associées, comme le diabète, l’insuffisance cardiaque, donc l’éducation thérapeutique. » D’autant qu’il peut se tourner, si besoin, vers l’équipe médicale et sociale : « Je souhaiterais développer des consultations in situ afin de toucher une population plus large. Mais, pour cela, il faut plus de collègues infirmiers. »

Pour prendre correctement en charge les patients atteints de maladies infectieuses chroniques, la sage-femme et les infirmières ont été formées par « des médecins expérimentés », poursuit Pauline Campa. « Les projets de formation se mettent en place petit à petit, ajoute le Dr Jean-Paul Vincensini, médecin généraliste et infectiologue. Pour le moment, nous recevons les externes et, nous l’espérons, bientôt des internes et des étudiants en soins infirmiers. Notre but est de participer à la fois à la formation, aux soins et à la prise en charge globale dont psychosociale… mais nous ne pouvons pas lancer tous les chantiers en même temps. » Des projets de recherche sont également en cours d’élaboration.

Médical + social

En général, les patients suivis à la MSP du Chemin Vert sont orientés par leur médecin hospitalier. « Il peut ainsi utiliser notre expertise pour instaurer une prise en charge en alternance entre la ville et l’hôpital », explique Pauline Campa. D’autres franchissent les portes de la structure à la suite du départ à la retraite de leur médecin traitant ou en raison d’un manque de satisfaction du suivi proposé. D’autres encore souhaitent tout simplement un suivi en ville pour échapper aux lourdeurs hospitalières : retards dans les consultations, longs délais pour l’obtention de rendez-vous…

En complément du volet soignant, la prise en charge sociale pour les patients ne relevant pas du droit commun est assurée par l’association Basiliade – située dans l’immeuble de la MSP – qui accompagne depuis vingt-cinq ans les personnes atteintes de maladies infectieuses via le travail coordonné entre professionnels. « Le lien avec Basiliade se fait plus particulièrement pour nos patients en situation de précarité que nous orientons vers l’association, indique Jean-Paul Vincensini. De même que l’association peut nous adresser des personnes nécessitant une prise en charge médicale. » Directeur de l’Alliance pour une gestion solidaire (AGS), collectif qui inclut Basiliade, Balthazar Milot en précise les missions : « Des assistantes sociales, des psychologues, des médecins ou encore des infirmières offrent aux patients un accompagnement global, à savoir social et professionnel, pour leur permettre un accès aux soins, au logement ou encore au travail. Nos professionnels de santé, eux, ne dispensent pas de soins. Leur rôle n’est pas médical, ils assurent uniquement un accompagnement et une coordination. »

Si jusqu’à l’ouverture de la maison de santé, les résidents de Basiliade (qui propose différents types d’hébergement pour des personnes atteintes de pathologies chroniques dans le besoin) nécessitant des soins étaient orientés vers deux médecins généralistes du réseau, « avec la maison de santé, les synergies sont désormais plus importantes et encadrées », conclut Balthazar Milot.

Histoire d'une idée

Il y a une dizaine d’années, le Dr Jean-Paul Vincensini avait prévu le départ prochain à la retraite de plusieurs médecins généralistes prenant en charge le VIH. « En parallèle, le monde hospitalier peinait à offrir un suivi réactif pourtant nécessaire aux personnes atteintes du VIH, et les patients eux-mêmes manifestaient un désintérêt pour une prise en charge hospitalière en raison de la lourdeur du parcours », énumère le Dr Pauline Campa.

Un nouveau modèle en ville devait donc être inventé. En 2010, des MG infectiologues créent le centre de prise en charge des maladies infectieuses. Leur projet est soumis en 2013 à l’ARS Île-de-France qui lance, avec l’aide d’un fonds d’investissement régional (FIR), une étude sur la prise en charge sanitaire et sociale des patients atteints d’une infection chronique en ville.

En parallèle, l’association Basiliade, avec qui collabore le Dr Jean-Paul Vincensini, est à la recherche de locaux. D’où l’idée d’un projet commun. « Nous avons réécrit le projet pour valider cette double prise en charge conjointe au sein d’une structure commune », rapporte-t-il. Les locaux parisiens leur sont proposés par la Mutuelle de la RATP. Fin 2018, la structure a ouvert ses portes, subventionnée par la Mairie de Paris, des fonds de la région Île-de-France, de l’ARS et de l’URPS médecins libéraux. La maison du Chemin Vert a reçu également un prix de la Fondation Louis D. ainsi que des dons privés, pour l’aménagement des locaux. 

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