Quelle est la situation de la démographie médicale dans votre secteur ?

Jusqu’en 2018, cela se passait à peu près bien : j’avais environ 1 500 patients, je rentrais souvent entre 23 heures et minuit, mais ce n’était pas fou. Puis une consœur installée à une dizaine de kilomètres a fermé, et j’ai eu plusieurs de ses patients en plus. Un autre est parti à la retraite en 2019-2020, un confrère d’Huelgoat est décédé en 2021, un autre a fait un burn out et est parti à Saint-Brieuc en 2022… En août dernier, je me suis donc retrouvé seul. Il y a bien un confrère qui est installé à 11 kilomètres de chez moi, mais c’est un autre bassin de population, vers Carhaix, et il ne prend plus de nouveaux patients…

À quoi ressemblent vos conditions d’exercice ?

J’exerce seul, avec un télésecrétariat. Je commence à 9h, et entre les visites, les consultations qui s’ajoutent, le service d’accès aux soins [SAS], les patients qui viennent sans rendez-vous et qui demandent à être vus, je rentre chez moi entre 2 et 4 heures du matin. J’accepte tout le monde, c’est ma façon de faire, je ne me verrais pas dire non. Aujourd'hui, j’ai environ 2 300 patients inscrits sur mon compte Amelipro, sans compter ceux que je n’ai pas encore eu le temps d’enregistrer…

Pensez-vous pouvoir tenir ce rythme longtemps ?

C’est ce que tout le monde me demande. Je n’ai pas de réponse. J’ai toujours été bosseur, je m’ennuie vite si je ne fais rien, j’aime quand ça bouge…

Justement, l’un des projets qui bougent est celui d’une maison de santé à Huelgoat…

Grâce à la commune, nous allons, à la fin du mois, avoir de nouveaux locaux, ce sera un super outil de travail, avec beaucoup d’agencements, beaucoup de lumière, une belle salle d’attente, tout est aux norme PMR… J’espère y être avant l’été, le temps de résilier mon bail. Ces locaux sont prévus pour deux médecins, et on cherche donc l’autre !

Et qu’en est-il de la coordination avec les autres soignants libéraux du secteur ?

Il y avait une maison de santé qui avait été créée dans les années 2010, mais qui est en dormance : l’un des membres du bureau est décédé, d’autres sont partis… Il manque une locomotive, et j’espère pouvoir être celle-là. Avec les nouveaux locaux, le projet de MSP et l’assistant médical, nous présenterons tout ce qu’il faut pour attirer un nouveau médecin qui restera. Car ce que nous ne voulons pas, surtout pas, c’est d’une personne qui, comme je l’ai vu à de nombreuses reprises, s’installe et part au bout de deux ans après avoir empoché les avantages liés à l’exercice dans les déserts médicaux : primes, exonérations d’impôts, prise en charge des loyers…
 

Il manque une locomotive, et j’espère pouvoir être celle-là
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