C’est dans un dossier finement monté à destination du parquet d’Aix-en-Provence que l’association SOS Corruption 13, a tenu à signaler, en juillet dernier, un "possible conflit d’intérêts" lors de la création d’une maison de santé à Éguilles (Bouches-du-Rhône).

Tout commence en 2010, lorsque Robert Dagorne, maire d’Éguilles, commune de 8.000 habitants, achète une parcelle et réhabilite le transformateur électrique qui s’y trouvait. En 2019, un permis est alors délivré pour que ce transformateur devienne un pôle culturel. Le maire lance ainsi un marché à procédure adaptée (Mapa) pour un total de 1,7 million d’euros. L’année suivante, il ajoute un avenant au texte. Dans sa décision, que Concours pluripro a pu consulter, le maire indique modifier les marchés de construction afin de construire une maison de santé. Dans Éguilles info, le journal municipal, en date de mars 2024, Renaud Dagorne, le fils du maire, également élu municipal, déclare être chargé d’"organiser la mise en œuvre du projet dans sa globalité".

Le maire d’Éguilles cherche alors à obtenir des subventions. Il reçoit notamment 100.000 euros de l’ARS Provence-Alpes-Côte-D’Azur. Le dossier concernant la maison de santé à été confié à l'un des cadres de l'agence régionale, qui n'est autre que Renaud Dagorne, le fils du maire. Contactée par Concours pluripro, l’ARS assure que "le projet a été validé en comité régional d’investissement en janvier 2023. L’agent de l’ARS également élu à la mairie d’Éguilles n’a pas participé à l’instruction du dossier, ni à la séance de validation".

Mais pour SOS Corruption 13, ce "cumul des responsabilités", à la fois "d’adjoint au maire, de responsable du projet de MSP et de fonctionnaire employé par le service d’Etat que lui-même sollicite […], interpelle au regard des obligations liées au statut de fonctionnaire".

Affaires de famille

Pour monter la maison de santé, une association de loi 1901 a été créée, elle porte le nom d’Éguilles santé Avenir. Sur le répertoire national des associations, l’adresse mail qui y est rattachée est celle de… Renaud Dagorne. Dans Éguilles info, il est cependant noté que cette association est "co-présidée par le Dr Olivier Nouvet et Mélanie Brotelle, infirmière libérale sur la commune". Le nom de cette dernière apparaît également dans la rubrique "Rédaction et reportage" de ce mensuel. Selon SOS Corruption 13, elle serait également la compagne de Renaud Dagorne.

L’association mentionne également le Dr Jean-Luc Brotelle, père de l’infirmière, qui apparaît comme référent sur le Fichier national des établissements sanitaires et sociaux (Finess) et qui "a sans doute exercé un rôle important de conseil" dans ce projet. Cette équipe, "constituée de membres de la même famille nous permet d'interpeller le procureur sur un possible conflit d'intérêt", conclut l’association dans son dossier. SOS Corruption 13 soulève cependant une autre question : "Y a-t-il vraiment un intérêt à créer cette maison de santé ?"  Sachant qu'un centre médical et un pôle santé sont en cours de construction et une MSP est déjà en activité à Éguilles, comprenant une vingtaine de praticiens… Dans un procès-verbal que nous avons pu consulter, relatif au conseil municipal du 27 janvier 2023, Renaud Dagorne s'explique ainsi : "D’ici cinq ans, nous serons en désert médical et sur Éguilles, nous ne pourrons plus nous soigner. […] Ainsi, nous avons souhaité augmenter l’offre de soins et favoriser l’installation de nouveaux médecins, afin de ne pas tomber en liste d’action prioritaire."

Concernant la subvention accordée par l’ARS, l’organisme indique que la ville était "classée en zone d’action complémentaire pour le zonage de médecins généralistes" lorsqu’elle a réalisé sa demande d’aide.

L'association n'en est pas à son premier signalement à l'encontre de la mairie. Alertée, la Chambre régionale des comptes avait notamment rendu un rapport sur la gestion financière du maire depuis 2017. Une enquête préliminaire a également été ouverte pour des faits de "favoristime". Plusieurs bureaux d’élus ont par ailleurs été perquisitionnés en juillet dernier par des policiers de la brigade financière, rapportent nos confrères de Marsactu. Le signalement de SOS Corruption 13 se rajoute donc à ce lourd dossier judiciaire.

Sollicitée par Concours pluripro, le maire et son fils n’ont pas donné suite à nos demandes d'interview.

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