Article publié dans Concours pluripro, mai 2024
 

Le Premier ministre a annoncé, le 6 avril, le lancement d'une expérimentation dans treize départements afin de permettre aux Français de s'orienter eux-mêmes, dans leur parcours de soins, pour consulter des spécialistes sans adressage par leur médecin traitant. Pourquoi dénoncez-vous cette mesure ?

Il est important de rappeler la raison pour laquelle le médecin traitant a été mis en place en 2004. Tout d'abord, les généralistes et l'Assurance maladie avaient identifié une tendance, chez un certain nombre de patients, au nomadisme médical. Ce recours aux spécialistes, malgré plusieurs mois de délai pour obtenir des rendez-vous, conduisait à leur mobilisation pas toujours optimisée, pouvant générer une perte de chance en raison de retards de diagnostic préjudiciables aux usagers. L'objectif était aussi de raccourcir les délais de rendez-vous, qui s'allongent d'année en année, du fait de l'augmentation de la demande et de la démographie médicale en berne. Via le médecin traitant, les patients peuvent être adressés plus facilement à des spécialistes. Enfin, le médecin traitant permet d'assurer une prise en charge du patient dans sa globalité. Il garantit la pertinence et la qualité des soins à un meilleur coût.

Avec cette expérimentation annoncée par le Premier ministre, l'ensemble de ces objectifs sont remis en cause. Les patients pourront prendre rendez-vous directement avec des spécialistes sur des plateformes, allongeant de nouveau les délais. Sans oublier que s'ils consultent, de leur propre initiative, des spécialistes, ces derniers adresseront les comptes-rendus aux médecins traitants, qui vont se retrouver submergés.

Le métier de médecin traitant est de moins en moins attractif pour les jeunes professionnels. Mettre en place ce type de parcours n'est vraiment pas valorisant pour notre discipline et la rend encore moins attrayante.

La "remise en cause" actuelle du médecin traitant isolé n'est-elle pas, en miroir, l'affirmation de "l'équipe traitante" née dans les structures pluriprofessionnelles ?

L'exercice coordonné est indispensable dans le cadre d'une organisation territoriale des soins primaires, en lien avec le second recours, les structures médico-sociales et les hôpitaux, pour une optimisation du parcours de soins. Mais je ne vois pas l'intérêt de créer une nouvelle appellation : "équipe traitante". Il existe déjà les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), les équipes de soins primaires (ESP), les équipes de soins coordonnées autour du patient (Escap). Si l'on veut perdre davantage les professionnels de santé, le meilleur moyen est d'ajouter des nouveaux termes.

Avec ces équipes traitantes, quid de la prévention ? De l'éducation thérapeutique des patients ?
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