Vous êtes le président de Coopération santé, rassemblant les points de vue de divers acteurs de la santé. Quelle est l'histoire de votre association ?

Coopération santé a été créée en 2008, par une pharmacienne, Marie-Josée Augé-Caumon, un représentant associatif de "Aides", Christian Saout, et un ancien haut fonctionnaire et membre du Conseil d'État, Bernard Tricot, ce qui est déjà, en soi, original. Pendant près de quinze ans, l'association a été présidée par Alain Coulomb, ancien président de la HAS, et qui m'a proposé du lui succéder en 2023.

Dès sa création, il y avait donc cette idée de coopération, bien avant que cela devienne une sorte de "mantra", une incantation des pouvoirs publics, un concept un peu fourre-tout. Mais lorsqu’on y regarde de plus près, on voit qu'il y a encore beaucoup de résistance. Pour preuve : très récemment, après la parution d’un décret visant à élargir les compétences des IPA, le Conseil de l'Ordre des médecins s'est immédiatement pourvu auprès du Conseil d'État. Donc la coopération, tout le monde en parle mais dans les faits, beaucoup s’y opposent.

Qu’est-ce qui vous différencie des autres associations ?

Notre originalité, à Coopération santé, c'est que la coopération on la promeut par ceux qui la font concrètement au quotidien. De fait, tous les acteurs du système de santé sont représentés : usagers, professionnels de santé (médecins, infirmières, pharmaciens, kinés, sages-femmes) et étudiants et donc futurs professionnels, mais aussi des industries de santé, des économistes, des politiques, des sociologues… Au total, on compte près de 200 adhérents.

Nous avons d'ailleurs une activité dont le thème change chaque année, on l'appelle le "fil rouge". Cela donne lieu à une soirée-débat au Sénat environ une fois par mois, rendue possible grâce à Corinne Imbert, vice-présidente des affaires sociales, et qui fait partie de notre association.

Le fil rouge de cette année c'est "les territoires", l'année dernière c'était "l'intelligence au service de la santé", il y a deux ans c'était "comment en faire plus avec moins "… Et à chaque fois nous avons deux invités venant systématiquement de deux milieux différents, et confrontant leurs points de vue.

Vous êtes président depuis juin 2023. Quel est l'objectif de toute cette réflexion ?

C'est de montrer que la coopération est possible, que c'est efficace et que c'est utile à la santé publique et bénéfique pour l’intérêt général. Et pour montrer que ça marche, on s'appuie sur ce que font et disent nos propres adhérents.

Vous existez depuis près de 20 ans et vous êtes quand même assez peu visibles sur la scène publique. Pourquoi cette voie silencieuse ?

N’exagérons rien ! Cette année nous avons reçu Marguerite Cazeneuve, en 2024 c’était Lionnel Colet, président de l'HAS. Mais aussi des membres de la DGOS, des directeurs d’ARS … Bref, on est tout de même un peu connus et reconnus. Je pense qu'au départ ce silence relatif tenait à une volonté de se différencier des think tank, qui sont des experts mais ne sont pas forcément sur le terrain, des experts "pensants" en quelque sorte mais pas agissants. Notre idée originale c'est qu'on travaille bien entre nous donc on n'a pas besoin de faire de la pub ce qu'on fait, même si l'une de nos volontés est justement de donner plus de visibilité à l'association.

Cela dit, nous organisons aujourd’hui de plus en plus d'événements : des matinales, colloques, nos États généraux le 25 juin au Futur4Care… Donc nous voulons être de plus en plus visibles et ouvrir nos événements au grand public, ne serait-ce que pour partager nos expériences.

Vous voulez avoir un vrai impact d'ici trois ans. Pensez-vous avoir gagné suffisamment en visibilité pour pouvoir avoir l'impact que vous souhaitez ?

On est partis du constat suivant : aujourd'hui par certains aspects, le système français reste – et demeure – l'un des meilleurs au monde. On a des équipes techniques extrêmement sophistiquées, on réalise des premières mondiales, et on a un reste à charge qui est parmi les plus faibles. Je ne connais pas d'autres pays où l'on peut rentrer dans un hôpital et être soigné sans même qu'on exige votre carte bleue, où lorsque vous demandez des médicaments dans une pharmacie, vous les avez la journée ou le lendemain. Ce sont des choses extraordinaires dont on a même plus conscience en France. Et en même temps, on constate aujourd'hui une forme de désespérance des professionnels de santé – autant sur leurs conditions de travail que sur leurs revenus – mais aussi des usagers, il y a des déceptions : pénuries de médicaments, baisse de la qualité des soins et difficulté d'y avoir accès, avec les déserts médicaux.

 

Je suis persuadé que nous avons la compétence et l'expérience pour aider les politiques à faire la part de ce qu'on fait de bien et de moins bien.

C'est la raison pour laquelle je pense que la santé sera l'un des grands enjeux de la prochaine élection présidentielle. J'ai la conviction qu'à Coopération, nous avons l'expertise pour valider ce qui se fait de bien, améliorer ce qui existe déjà mais également pour reconnaître les échecs et insuffisances de notre système de santé.

Je pense qu'avec cette vision nous serons en capacité en 2027 d'étudier des programmes politiques en santé des différents candidats et de voir ceux qui peuvent répondre ou non à nos préoccupations et nos actions.

Quel regard portez-vous sur notre système de santé ?

On est dans un système où le payeur est invisible et le rembourseur est aveugle. Le payeur est invisible car nous, citoyens usagers, consommons des soins sans savoir combien ça nous coûte réellement. Et le rembourseur est aveugle car en France, tout est prescrit et remboursé sans jamais qu'on en questionne la pertinence et l’efficience. C'est un système qui est par nature inflationniste et ma conviction, c'est que dans ce système, il ne s'agit pas de dépenser plus ni moins, il s'agit de dépenser mieux. Je suis persuadé que nous avons la compétence et l'expérience pour aider les politiques à faire la part de ce qu'on fait de bien et ce qu'on fait de moins bien.  

Quelle est votre force de frappe pour atteindre cet objectif ?

Notre force c'est que l'on s'appuie sur ce qui se fait de bien, ce qui existe, et cette vision à 360° a une légitimité que n'ont pas forcément d'autres acteurs. L'idée n'est évidemment pas de se substituer aux politiques, c'est d'apporter un regard qui prend en compte à la fois celui des usagers, du professionnel, du politique, etc.

C'est un pari que l'on prend. Et si on a ces invités, ces intervenants, ces experts, c'est parce que même s'ils ne nous connaissent pas au départ, ils se disent que ce que l'on fait est bien. Notre légitimité, elle tient de ce qu'on porte nous-mêmes et ce qu'on incarne dans le réel.

 

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