Article publié dans Concours pluripro, mai 2025
* Etudiants en master "Stratégies territoriales et urbaines" à Sciences Po (encadrés par Eve Plenel, directrice de la Santé à la Ville de Paris et enseignante à Science Po)

 

Face à l'inégale répartition de l'offre de soins en France et aux besoins émergents de santé liés au vieillissement de la population, il est nécessaire de proposer des solutions de proximité adaptées aux lieux d'habitation et en cohérence avec les besoins locaux de santé. Pour ce faire, les soins infirmiers sont au coeur de nouveaux enjeux de coopérations interprofessionnelles. Étudiants en master "Stratégies territoriales et urbaines" à Sciences Po, nous nous sommes penchés sur ce sujet dans le cadre d'une demande de la chaire santé, en partenariat avec l'Ordre national des infirmiers. Ce projet s'inscrit dans une approche centrale de l'École urbaine de Sciences Po : penser les enjeux de santé à travers le prisme des territoires. Objectif de notre étude* : analyser, au sein de trois territoires et pendant huit mois, les coordinations et coopérations qui se déroulent entre les infirmières libérales en soins ambulatoires mais également avec les autres soignants. En quoi consistent ces coopérations ? Quelles formes peuvent-elles prendre ? Quelles sont les pratiques et les politiques de santé publique qui favorisent la collaboration ? Comment les infirmières vivent-elles ces coopérations interprofessionnelles ?

Pour réaliser cette étude qualitative, nous nous sommes appuyés sur la littérature scientifique en sciences humaines et sociales, sur des textes réglementaires et des entretiens et observations menés dans ces trois bassins de vie : Épinal (Vosges), Le Mans (Sarthe) et Évaux-les-Bains (Creuse). Des territoires choisis à partir d'un faible indicateur d'accessibilité potentielle localisée aux infirmières libérales (Idel) en 2021, un taux départemental de retraités élevé (plus de 30 %) et des caractéristiques géographiques et démographiques variées (milieux urbain, semi-urbain et rural).

crédit : Sciences Po

 

De la réflexion au terrain

Les coopérations interprofessionnelles de santé sont avant tout le fruit d'une réflexion étatique, menée par le ministère en concertation avec les ARS, façonnant un modèle national à développer sur l'ensemble du territoire. Le modèle de coopération institutionnelle, qu'il s'agisse des MSP ou des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), offre un cadre économique et relationnel attractif, et améliore la prise en charge des patients et les conditions de travail des professionnels de santé. Néanmoins, le déploiement de ce modèle se traduit en une approche verticale des coopérations, dite "top down", particulièrement observée à Évaux-les-Bains. Dans ce territoire rural, le manque d'accompagnement des projets de MSP et la faible présence dans les locaux des Idel, toujours sur les routes, sont à l'origine d'un réel manque de coordination au sein de ces structures, sans que leurs avantages soient questionnés par les institutions qui les ont mises en place.

Si le modèle national est promu et développé sur l'ensemble du pays, son déploiement repose en grande partie sur des initiatives municipales ou intercommunales qui cherchent à répondre aux besoins spécifiques de leur territoire. Dans les territoires ruraux en manque d'attractivité médicale comme à Évaux-les-Bains, la mise en place de maisons de santé par les institutions politiques locales sert de levier pour faire venir des médecins, sans forcément chercher à valoriser les pratiques de coopération. Alors qu'au Mans, la mairie soutient, tant par de l'ingénierie que par du financement, les MSP et multiplie les implantations dans une logique à la fois d'attraction de nouveaux médecins et de valorisation du projet national de coopération. A contrario, la mairie d'Épinal a refusé toute intervention municipale dans l'installation ou le financement de MSP pour ne pas engendrer une concurrence entre communes environnantes, ce qui reflète un climat compétitif entre les territoires.

 

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