On parle de plus en plus de « territoire ». Vous êtes géographe de la santé, comment définissez-vous ce terme ?

Il y a de nombreuses façons de le définir parce que c’est un mot qu’on emploie beaucoup en géographie comme dans le monde de la santé. Et comme son sens évolue dans le temps, revenons au sens originel du mot pour éviter des dérives. Qu’est-ce qu’un territoire ? C’est un morceau d’espace géographique qui est transformé, perçu et habité. Le territoire, c’est quelque chose d’humain. Il n’est pas seulement une réalité physique, car il est chargé de sens et de symboles. Il est approprié physiquement (parce que les gens y habitent) et investi moralement, mais c’est aussi le territoire du pouvoir, des armées, des explorateurs, de l’administration...Il y a plusieurs sens possibles à ce mot et tous sont aussi valables les uns que les autres. Le travail du géographe, c’est aussi de décrypter ces conceptions et d’essayer de les faire converger autour d’un projet commun.
Le territoire a longtemps été réservé à un emploi au singulier, pour désigner le territoire national. Et par réaction sans doute à la fragmentation du territoire national jusque-là très homogène dans une société rurale très autarcique – sous l’effet de l’industrialisation et de l’urbanisation dès la fin du XIXe siècle –, on s’est dit qu’on ne pouvait plus évoquer le "territoire national", car il y a des territoires différents, des "petits pays" … Et finalement, le mot "territoire", employé initialement au singulier par les représentants du pouvoir, a été utilisé, dans le langage courant, au pluriel, pour décrire une réalité devenue fondamentale : celle de l’hétérogénéité du territoire national.
Les "territoires" se sont imposés comme une réalité à prendre en compte pour mieux apprécier la diversité des situations locales à une échelle assez restreinte : un endroit qui est, en règle générale, d’une étendue inférieure à celle d’un département et qui correspond plutôt à un bassin de vie. Quelle serait la meilleure définition à lui donner aujourd’hui ? Peut-être que le territoire est une entité fonctionnelle où l’on trouve l’essentiel de ce dont on a besoin pour vivre : des lieux d’achat des choses les plus essentielles, des lieux de médecine de première ligne mais aussi des lieux où la société se construit ensemble.

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