D’après la conférence d’Aurélien Rousseau, invité des Tribunes de la santé, le 26 novembre 2020.

 

Gestion de crise. Depuis le mois de janvier 2020, les pouvoirs publics sont tous, d’une manière ou d’une autre, mobilisés sur le front du Covid. Et avec un rôle pivot sur de nombreuses questions, tant épidémiologiques qu’organisationnelles, les agences régionales de santé ont été mises à forte contribution.

C’est le cas notamment de l’ARS Île-deFrance, impliquée très tôt dans une épidémie aux mécanismes et aux conséquences longtemps flous, et qui a connu des succès et des échecs. « La crise a percuté l’État dans ses fonctions traditionnelles », souligne Aurélien Rousseau, son directeur général, invité des Tribunes de la santé, le 26 novembre dernier.

Le manque de certitudes face au virus, à ses mécanismes, à sa létalité ou encore à son comportement en termes épidémiologiques a compliqué la tâche des décideurs, tant dans la nature des décisions à prendre que dans leur timing, ou encore dans leur capacité à les expliquer. « La crise a eu des impacts inégaux sur le territoire, et a mis au défi la répartition des compétences », estime notamment Aurélien Rousseau.

Une question de territoires

L’inégalité a été évidente entre les régions les plus touchées (Grand Est et Île-de-France) et d’autres presque totalement épargnées, mais elle s’est aussi fait ressentir à un échelon territorial inférieur. « Lors de la première vague, la surmortalité en Seine-Saint-Denis ou dans le Val-d’Oise a été supérieure à la moyenne régionale, jusqu’à 400 % dans le Val-d’Oise », souligne Aurélien Rousseau. Ce qui, pour lui, résonne avec une conception de la prise en charge sanitaire encore inadaptée.

La crise a en effet démontré que beaucoup de choses se passaient en amont de l’hôpital. Parmi les victimes du Covid qui ont fait grimper les statistiques en Seine-Saint-Denis et dans le Val-d’Oise se trouvaient « des patients touchés par l’obésité, phénomène lié à la pauvreté. Beaucoup sont morts avant d’arriver dans les services de réanimation, ou ont été pris en charge dans une situation médicale très dégradée. Le sujet s’est joué sur la prévention, mais aussi sur le repérage par la médecine de ville et le travail sur le renoncement aux soins ».

Plusieurs raisons ont contraint les autorités à se reposer sur l’hôpital au cours des premiers mois de l’épidémie. Le manque de masques signalé par les professionnels de santé libéraux début mars a freiné des décisions allant dans le sens d’une prise en charge ambulatoire. « Nous redoutions aussi – peut-être à tort – que les cabinets médicaux puissent devenir des clusters, explique le directeur de l’ARS Île-de-France. D’où l’idée de mettre en place des centres Covid, avec des mesures sanitaires beaucoup plus strictes. » Dans le contexte, rappelle-t-il, d’une maladie inconnue présentant des signaux cliniques compliquant son identification et son évolution. « On aurait sans doute pu faire mieux, mais on ne savait pas. »

Il faut donc sortir de cette crise avec la conviction que la mise en place de politiques de prévention adaptées aux spécificités des territoires sera l’une des clés de l’amélioration de la prise en charge sanitaire, notamment en période de crise. « Au moment du déconfinement, j’étais obsédé par le fait que la surmortalité était en partie liée à un renoncement et à des problèmes d’accès aux soins, poursuit Aurélien Rousseau. Je craignais que cette situation se reproduise sur les tests. Nous avons alors installé des barnums pour casser ces angles morts territoriaux, notamment dans des zones où la démographie médicale était mauvaise, et où la surmortalité avait été forte. » Et pas seulement dans les hôpitaux, mais au plus proche de la population, au cœur des quartiers les plus touchés.

Les CPTS au rendez-vous

« Six mois plus tard, nous avons tous progressé : on sait repérer plus tôt les signes, on sait faire de l’oxygénation à domicile... La deuxième vague est organisée très différemment », rappelle Aurélien Rousseau. Moins de patients hospitalisés finissent en réanimation, indiquant ainsi que les malades sont repérés plus tôt, et mieux orientés. En Île-de-France, des outils de prise en charge hôpital-médecin traitant-patient, comme Covidom, ont par exemple été mis en place.

« Nous devons construire des coalitions avec des acteurs de la santé au sens large. » Du côté des soins primaires, les nouvelles organisations ont toute leur place. « Toutes les initiatives de coordination ont été indéniablement des lieux de création de réponse collective. Les CPTS ont été à la manœuvre pour créer les centres Covid. C’est avec une CPTS que nous avons créé le premier protocole de sortie d’hospitalisation en Seine-Saint-Denis, et ce sont aussi les CPTS regroupées dans l’APTA78 (la plateforme territoriale d’appui des Yvelines) qui ont armé la cellule territoriale d’appui et de suivi des cas positifs.»

C’est l’un des bons points de cette gestion de crise. « Je pensais que le mécanisme de développement des CPTS serait stoppé net par l’épidémie, note encore Aurélien Rousseau. Il a, au contraire, été accéléré, par nécessité, et parce que la prise en charge du Covid suppose du parcours. Des professionnels se sont regroupés, et en ont vu la pertinence dans ces périodes. »  

 

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