Article publié dans Concours pluripro, décembre 2025
 

C'est depuis la "structuration de la territorialisation [entamée juste avant et concrétisée pendant la pandémie, NDLR] que se pose la question des ARS : doit-on se séparer d'elles car elles relèveraient d'un régime un peu obsolète (la régionalisation) ou est-ce qu'au contraire nous devons essayer de capitaliser sur cette période précédente pour construire cette territorialisation ?" Daniel Benamouzig, directeur de recherche au CNRS et titulaire de la chaire santé de Sciences Po, a lancé le débat, le 5 décembre dernier, dans l'amphithéâtre Jacques-Chapsal. Un échange qui découle des propos du Premier ministre qui, en novembre dernier, assurait vouloir réformer "en profondeur" les ARS en confiant notamment certaines de leurs missions aux départements.

"Notre système de santé complexe s'est construit au fil des années, et tout changement dans son organisation nécessite une réflexion préalable, une concertation et une étude d'impact", assure Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santé, invitée au débat. "Lorsque l'on s'intéresse à l'evidence-based policy, le moins que l'on puisse dire c'est que cette réforme n'a pas été pensée." Pour l'hématologue de formation, on confond encore trop en France "les objectifs et les moyens". Or "la décentralisation n'est pas un objectif" mais bien "un moyen qui doit servir des objectifs que sont la réduction des inégalités, l'amélioration des parcours de soins entre la ville et l'hôpital, entre le social, le médico-social et le médical, mais aussi une vision holistique de la santé, la place de l'environnement et de la prévention..." Toutes ces problématiques nécessitent "une vision un peu centralisée de ce qu'est un bon système de santé et certainement pas un découpage qui permettrait de nouveau d'avoir des silos entre les différents acteurs en charge de la santé de nos concitoyens", poursuit-elle.

Crédit photo : L.P.

Estimant que les systèmes de santé décentralisés, comme ceux de Belgique, d'Allemagne ou de Suisse, sont de véritables "capharnaüms", Agnès Buzyn insiste sur le fait que cette décentralisation accroît "les inégalités entre les différentes régions" en fonction de la priorité et donc du budget qui ont été attribués à la santé mais aussi des ressources et de l'attractivité du territoire.

 

Pas "à cause de"… mais "malgré"

Directeur général de l'AP-HM, François Crémieux s'inquiète du sort réservé aux ARS et de la possibilité qu'elles "deviennent les victimes expiatoires et les boucs émissaires d'un système qui rencontre plein de difficultés". Une inquiétude qui découle, à ses yeux, à la fois de cette idée "profondément injuste" de "faire peser sur les ARS les difficultés dont elles ne sont pour rien, voire qu'elles se démènent à essayer de gérer au mieux depuis des années", mais aussi du fait que "si nous traitons les mauvaises causes des difficultés qu'on rencontre, nous n'avons aucune chance de les régler", poursuit-il. Déserts médicaux, problématiques des urgences, permanence des soins... Tout cela, "ce n'est pas à cause des ARS, c'est malgré les ARS, qui essaient de gérer au mieux une offre de soins" qui, depuis la fin de l'obligation de garde, "repose sur un trop petit nombre de médecins pour l'assurer".

Comme Agnès Buzyn, François Crémieux appelle à "des politiques publiques fondées sur les preuves, et non pas seulement sur les émotions". Il déplore cependant "le manque de moyens et les difficultés des ARS pour mettre en oeuvre des leviers d'action et de prévention sur nos principales difficultés en termes de politique publique". À ses yeux, "il y a un enjeu dans l'articulation entre les ARS et les préfectures à l'échelon régional", car au-delà de la nécessité de "renforcer le lien", notamment pour des raisons de responsabilisation entre professionnels de santé et élus, "une bonne partie de la déclinaison des politiques publiques en santé, depuis l'État à la région, sont sous l'égide du préfet".

 

RETOUR HAUT DE PAGE