Article publié dans Concours pluripro, février 2023



Comment la question de l'exercice coordonné s'est-elle imposée comme sujet de recherche pour votre thèse ?

Lorsque j'ai commencé à travailler en libéral il y a un peu plus d'un an, j'ai réalisé qu'il était indispensable d'avoir des correspondants à qui adresser des patients. En tant qu'interne à l'hôpital, je faisais tout le temps de l'exercice coordonné sans m'en rendre compte, car je travaillais en lien permanent avec d'autres médecins hospitaliers et des professionnels paramédicaux. En ville, l'exercice est plus solitaire, et je me suis intéressée à différentes formes de coordination avec d'autres praticiens. Ce sont mes échanges avec le Dr Renaud Ferrier, qui préside la CPTS Pays de Lérins (Paca), qui m'ont permis d'affiner mon sujet de recherche.

 

Et pour ce qui concerne la pratique du frottis ?

Le sujet mérite qu'on s'y penche, les chiffres parlent d'eux-mêmes. Le cancer du col de l'utérus est la deuxième cause de mortalité par cancer chez les femmes de moins de 50 ans, et 1 100 Françaises en meurent tous les ans. De plus, le taux de survie à cinq ans est en diminution. Pourtant, c'est un cancer évitable : il est possible de dépister les lésions précancéreuses de façon précoce et de les traiter.

 

Un dépistage national est pourtant organisé…

Oui, il y a une campagne nationale, et de nombreux praticiens sont habilités à réaliser des frottis : les gynécologues-obstétriciens mais aussi les généralistes, les sages-femmes, les biologistes, les anatomopathologistes, etc. Pourtant, le taux de couverture est seulement de 59 % au niveau national. Les patientes se souviennent rarement de qui a réalisé leur dernier frottis ou de quand date cet examen, et il est parfois compliqué d'avoir accès à leurs résultats. Pour certaines, on multiplie alors inutilement les examens, alors que d'autres laissent passer les échéances. Le manque de coordination entre professionnels de santé est évident et délétère pour les patientes.

 

Dans votre thèse, vous relevez des obstacles à la pratique du frottis. Quels sont-ils ?

On retrouve trois grands types de freins : un déficit d'adhésion au principe du dépistage tant de la part des professionnels, qui s'estiment insuffisamment formés, que des patientes, qui ne souhaitent pas que cet acte soit pratiqué par leur médecin traitant, par exemple ; un déficit de promotion et d'éducation à la santé au niveau collectif ; et un déficit de coordination du parcours de soins.

 

En quoi l'exercice coordonné permet-il d'y répondre ?

Il faut entendre l'exercice coordonné au sens large, pas uniquement au sein des maisons de santé… Le premier avantage d'une meilleure mise en relation des professionnels de santé consiste en une offre de soins personnalisée pour les patientes. Entre deux correspondants qui ont la même compétence, on peut choisir d'adresser la patiente à celui qui lui conviendra et qui répondra le mieux à ses attentes : en libéral ou en établissement, homme ou femme, proche de chez elle, etc. Tout cela au sein d'un réseau de confiance pour le médecin référent.

 

L'inclusion dans un réseau de praticiens peut-il aussi aider les professionnels à réaliser davantage de frottis ?

Certains médecins ne sont pas à l'aise avec cet acte, et peuvent donc trouver un relais de confiance à qui adresser leurs patientes. Pour d'autres, c'est aussi l'occasion d'échanger sur leurs pratiques, de faire circuler l'information, d'être à jour des bonnes recommandations, etc. Il y a donc une homogénéisation des connaissances, mais également une amélioration des conditions d'exercice. Les professionnels de santé disposent d'un réseau vers qui se tourner en cas de doute sur une prise en charge, ils sont moins isolés et se sentent davantage soutenus. Ce sont autant de leviers pour développer la pratique du frottis.

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