
La santé devant l’Autorité de la concurrence
À travers trois missions, l’Autorité de la concurrence intervient dans le secteur fortement régulé de la santé, et identifie de possibles améliorations de son fonctionnement concurrentiel.
À travers trois missions, l’Autorité de la concurrence intervient dans le secteur fortement régulé de la santé, et identifie de possibles améliorations de son fonctionnement concurrentiel.
Les préoccupations relatives à la concurrence ont pris un relief particulier aux États-Unis, dès la fin du XIXe siècle (Sherman Act, 1890). En Europe, la politique de la concurrence a été intégrée au Traité de Rome (1957) au titre des compétences communes de la Communauté économique européenne, et la Commission européenne a été investie de pouvoirs de régulation.
Le droit européen de la concurrence, pleinement déployé depuis 2003 grâce à un règlement permettant son application directe par les autorités de la concurrence nationales, est constitué par deux règles de fond(1), qui prévoient deux catégories de pratiques anticoncurrentielles : les ententes (concertation entre acteurs économiques qui ajustent leurs stratégies commerciales au lieu de les concevoir indépendamment) et les abus de position dominante (pour verrouiller un marché, évincer les concurrents, empêcher l’arrivée de nouveaux entrants).
L’Autorité réprime les pratiques anticoncurrentielles et inflige de lourdes amendes, contrôle les concentrations en vérifiant si elles portent atteinte de manière substantielle à la concurrence, émet des avis pour promouvoir auprès des acteurs économiques la conformité aux règles de la concurrence.
Répression des pratiques anticoncurrentielles
L’Autorité, comme ses homologues étrangers, fait application des règles de la concurrence à l’industrie du médicament. Elle a sanctionné les laboratoires Sanofi Aventis et Schering-Plough pour abus de position dominante, avec stratégie de dénigrement à l’encontre des génériques de deux de leurs spécialités, et entrave à leur entrée sur le marché – dans le contexte de la relative défiance en France envers les génériques(2).
La restriction des importations parallèles, liées aux différences de prix de vente des médicaments entre États membres, a été sanctionnée par la Commission européenne, lorsqu’elle n’était pas justifiée par des motifs de santé publique, et proportionnée à cet objectif ; le Conseil de la concurrence, prédecesseur de l’Autorité, s’était prononcé de même. Les pratiques de prix excessifs des médicaments ont été sanctionnées par l’autorité de la concurrence italienne (laboratoire Aspen qui fit pression sur les autorités sanitaires pour obtenir de fortes augmentations de prix de plusieurs molécules) et par l’autorité britannique (laboratoire Pfizer et un de ses distributeurs, après augmentation abusive du prix d’un antiépileptique, à la faveur de son retrait du mécanisme de régulation des pri x).
La lutte contre les ententes horizontales spécifiques, comme les accords pay for delay entre laboratoire princeps et génériqueur en vue de retarder la mise sur le marché d’un générique, s’est développée d’abord aux États-Unis, puis en Europe (en 2013, forte amende contre Lundbeck et le fabricant du générique du citalopram). En Italie, une pratique collusive par différentiation artificielle entre deux médicaments a été reprochée à Roche et Novartis, pour s’être concertés en vue d’empêcher que l’utilisation hors autorisation de l’Avastin n’empiète sur celle de Lucentis, beaucoup plus onéreux, et détenant seul une autorisation pour les pathologies concernées. L’affaire est devant la Cour de justice de l’Union européenne, saisie de questions préjudicielles.
Contrôle des concentrations
L’Autorité contrôle les opérations de concentrations au-delà de certains seuils de chiffre d’affaires. En 2016, elle a eu à examiner si, outre d’éventuels effets sur le prix des prestations "hôtelières" (celui des prestations médicales étant réglementé), le rapprochement de Médipôle Partenaires et Elsan, deuxième et troisième opérateurs de l’hospitalisation privée, pouvait conduire à une baisse de la qualité de l’offre de soins ; à cet égard, des engagements de cession d’établissements ont été acceptés pour remédier aux préoccupations identifiées.
Fonction consultative
Par un avis de 2013, l’Autorité a formulé des recommandations concernant la distribution des médicaments à usage humain en ville, en vue du renforcement des échelons intermédiaires. En 2016, s’étant autosaisie pour avis dans le secteur des audioprothèses, elle a préconisé de rendre possible la dissociation entre vente de l’appareillage et prestations de suivi, et de supprimer ou d’élever le numerus clausus d’audioprothésistes, afin de stimuler la concurrence. En novembre 2017, elle a lancé une vaste enquête sur le fonctionnement de la concurrence dans le secteur du médicament (fixation du prix des médicaments, y compris ceux achetés par les hôpitaux ; chaîne de distribution, rôle des intermédiaires et opportunités de développement de l’activité des pharmaciens) et de la biologie médicale.
1. Articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne; articles L.420-1 et 420-2 du code de commerce.
2. Par décision du 20 décembre 2017, Janssen-Cilag et sa maison mère Johnson & Johnson ont eu une amende de 25 millions d’euros pour avoir freiné le développement des génériques de Durogésic, son médicament princeps.