Article publié dans Concours pluripro, octobre 2025

 

"La santé, élément central de notre pacte démocratique, doit impérativement être au coeur des débats politiques." Aux Tribunes de la santé, le 11 septembre dernier, en préambule de son plaidoyer portant sur les réformes à apporter pour une meilleure égalité en santé, Arnaud Robinet, président de la Fédération hospitalière de France (FHF), a rappelé que "la démocratie française va connaître prochainement deux échéances capitales : les élections municipales en mars 2026 et les présidentielles en 2027". Et "le chemin jusqu’à ces deux événements majeurs promet d’être escarpé et jalonné de crises".
Comme le souligne le maire de Reims, "faire santé, c’est faire société" car "lorsque l’accès aux soins se dégrade et que des inégalités se creusent, ce ne sont pas seulement des patients qui renoncent à des traitements, mais bien la société entière qui se fragilise". C’est cette "relation intime" qui unit "la santé à la démocratie" que le président de la FHF a évoquée lors de cette conférence de rentrée.

Les inégalités d’accès aux soins sont "à la fois symptôme et catalyseur des crises démocratiques". Et quand un citoyen ne peut plus accéder aux soins, "ce n’est pas seulement son état de santé qui se dégrade, mais aussi la confiance qu’il place dans les institutions de son pays". Un renoncement aux soins qu’est venu confirmer et chiffrer le baromètre sur l’accès aux soins réalisé par la FHF avec Ipsos en mars dernier. "L’enquête montre non seulement une inquiétude massive des Français, mais dévoile aussi que deux tiers d’entre eux ont dû renoncer à au moins un acte de soins ces cinq dernières années… 59 % ont rencontré des difficultés d’accès à l’hôpital, et trois Français sur quatre craignent de ne pas pouvoir accéder à des soins de qualité en cas d’urgence."

Ces chiffres ne sont pas seulement des "statistiques froides", insiste Arnaud Robinet : "La santé est un révélateur et un accélérateur de fracture sociale, économique et territoriale, et ces inégalités peuvent être observées partout, en milieu rural comme dans les métropoles", mais aussi entre les genres. "Plus d’une femme sur deux estiment que leurs symptômes ont déjà été minimisés parce qu’elles sont des femmes. Les femmes victimes d’un infarctus sont prises en charge en moyenne trente minutes plus tard que les hommes, ce qui, encore une fois, ne représente pas qu’une inégalité sanitaire mais une rupture démocratique." Autre exemple, "le manque de moyens et de professionnels de certaines spécialités médicales, comme l’obstétrique, la gériatrie ou la psychiatrie pourtant grande cause nationale 2025", qui fragilise encore plus l’accès aux soins, et mène à des "entraves dans le parcours de soins" mais aussi à des "ruptures de prise en charge".

 

Les établissements publics, véritable bouclier de la démocratie

Pour le président de la FHF, "la démocratie n’est pas seulement un bulletin de vote mais aussi la capacité à garantir concrètement l’égalité d’accès aux droits fondamentaux, dont la santé est l’illustration la plus tangible". Cependant, "à chaque fois qu’un territoire perd un service d’urgence, qu’une femme voit ses symptômes minimisés, qu’un jeune renonce à un suivi psychologique, c’est un morceau de confiance collective qui s’effrite, alors même que la confiance est une ressource politique". Sa "restauration" ne peut "s’effectuer que par des preuves concrètes (délais, accès et parcours)". D’où le rôle central de "garant de l’égalité républicaine et de la solidarité en santé", des hôpitaux et des Ehpad publics.

"L’hôpital a retrouvé son niveau d’activité d’avant la crise du Covid, et ses indicateurs RH sont au vert, notamment grâce à la baisse de l’absentéisme et à une amélioration du recrutement", affirme Arnaud Robinet. Il souligne qu’il nous revient "collectivement" de préserver cette dynamique et de l’amplifier. Malgré cela, le déficit cumulé de l’hôpital public a atteint trois milliards d’euros en 2024, un déséquilibre qui s’explique par la "hausse des besoins de santé", liée au vieillissement de la population et à l’augmentation des maladies chroniques, ainsi que par un "sous-financement face à l’inflation". Par ailleurs, le rôle des Ehpad publics reste crucial : dans certains territoires, ils sont parfois les derniers acteurs de soins disponibles. Sans ce maillage territorial, la fracture sociale et démocratique serait encore plus marquée.

En tant qu’élu local, Arnaud Robinet a conscience "des difficultés financières et budgétaires de l’État". Mais rappelle que "depuis vingt ans, notre politique de santé a été dominée par une logique court-termiste et que, chaque année, le LFSS fixe des objectifs purement comptables sans stratégie de long terme", assène-t-il. "Chaque année, l’Ondam est devenu une variable d’ajustement budgétaire qui s’avère déconnecté des besoins réels de santé. Résultat, nous passons notre temps à éteindre des incendies et à colmater les brèches, mais en aucun cas à construire l’avenir." Un "vide" qu’il apparente à "une anomalie démocratique". La FHF porte donc "une conviction forte, celle d’une loi de programmation pluriannuelle de la santé, comme dans les secteurs de la Défense, de la Justice ou de l’Intérieur. La santé mérite les mêmes dignité, stabilité et visibilité que les autres domaines régaliens."

 

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