Haut fonctionnaire, ayant exercé des responsabilités successives au plus haut niveau*, Nicolas Revel a publié, fin mai dernier sur le site du Think Tank Terra Nova, une note édifiante titrée 'Sortir de l’impasse'. C’est de la santé des Français qu’il s’agit et plus précisément de notre système de soins. Et, bien au-delà de ses responsabilités actuelles à la tête de l’AP-HP de Paris, il identifie très clairement – ou habilement – les réalités qui s’imposent désormais et auxquelles des réponses adaptées doivent être apportées sans délai… D’autant que certaines de ces réponses prendront nécessairement du temps.

Sans doute soucieux d’assurer à sa note la plus grande forte audience possible, Nicolas Revel en a proposé une explication orale dans le cadre du café Nile que l’excellent Olivier Mariotte propose régulièrement, et depuis des années, au microcosme de la santé. Cette intervention orale a permis de pointer les deux sujets qui doivent (et sans tergiverser) mobiliser les énergies des décideurs – s’il y en a – et des professionnels responsables. Quant aux malades et plus largement aux populations, ils auront à s’impliquer et à accompagner du mieux possible les options qui seront privilégiées.

 

 

Le premier sujet est bien connu, pour être ressassé à l’envi depuis près de trente ans dans l’ensemble des pays développés. Ce sont les maladies chroniques : bientôt 20 millions de personnes dans notre pays, la plupart pris en charge dans le cadre de l’ALD et représentant les deux tiers des dépenses d’Assurance maladie, le tout en croissance forte et – pour dire les choses – hors de contrôle. Ce sont ces patients qui avaient conduit le HCAAM en mars 2012 à rendre un avis dans lequel le terme de "Parcours" avait été forgé et explicité… sans vraiment de conséquences pratiques, malheureusement.

Eh bien, il est indispensable d’organiser maintenant ces parcours afin de délivrer le juste soin au bon moment et d’anticiper les complications et ruptures qui émaillent l’évolution des polypathologies chroniques. Ce qui, pour l’essentiel, implique que les divers professionnels engagés dans le suivi du malade travaillent ensemble et se coordonnent, que les plateaux techniques publics ou privés soient connectés au mieux avec l’ambulatoire et que des modalités de financement, puis de rémunération innovantes et incitatives, soient mises en œuvre. Vaste programme, mais qui ne peut plus être différé.

 

 

Le second sujet est davantage méconnu, masqué qu’il est par la litanie des "déserts médicaux" et les discours sommaires ou démagogiques qu’ils suscitent. Il s’agit des promotions actuelles et futures des différentes professions de santé, de leur formation et de leurs conditions d’exercice. On le sait, le suivi optimal des malades chronicisés et polypathologiques ne réclame pas les mêmes compétences que celui des maladies aiguës. De ce point de vue, les chiffres de plus en plus fantaisistes (15.000 chaque année !?) d’étudiants à s'engager dans les études médicales ne sont pas la solution – même si une hausse transitoire a été nécessaire. En réalité, ce sont l’ensemble des professions de santé qui doivent être reconsidérées et les pratiques avancées valorisées afin de répondre au mieux aux aspirations des malades et à l’indispensable réorganisation du système de soins… à la condition toutefois de s’extirper de la vision monoprofessionnelle en silo et de privilégier une coordination pragmatique. Là aussi vaste programme !

 

* Successivement au Secrétariat général de la présidence de la République, puis à la tête de l’Assurance maladie, puis à la direction générale de l’AP-HP

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