Article publié dans Concours pluripro, décembre 2024
 

Pour cet ancien directeur de la Cnam passé par la direction de cabinet du Premier ministre et le secrétariat général de la présidence de la République française, l'administration et le système de santé français n'ont plus de secrets. Directeur général de l'AP-HP depuis juillet 2022, Nicolas Revel a clôturé, le 21 novembre dernier, le cycle 2024 des Tribunes de la santé, organisé par la chaire santé de Sciences Po. Et il a dévoilé point par point les dessous de la "crise des ressources humaines" que traverse actuellement le secteur hospitalier et la "crise d'attractivité" de notre système de santé. "La problématique des ressources humaines, des vocations et des besoins est aujourd'hui la question clé qui met le système le plus sous tension", et ce de "manière assez durable et structurante", a déclaré l'ancien auditeur de la Cour des comptes.

Pour expliquer son analyse, Nicolas Revel a dressé plusieurs constats faits depuis sa prise de fonction à la tête à l'AP-HP. Des difficultés que doivent aussi rencontrer les autres hôpitaux publics de l'Hexagone, estime-t-il. "La crise RH que je découvre à ma prise de poste en juillet 2022 est exacerbée par les suites de la pandémie, mais la crise des vocations à l'hôpital avait débuté, en réalité, avant la crise du Covid-19." Se nourrissant d'une "montée de la tension" sur les "conditions d'exercice et de travail", celle-ci se traduit notamment par une "baisse d'effectifs" qui n'est pas nécessairement liée à des "plans d'économies".

 

Départs en cascade et ras-le-bol général

Les infirmières hospitalières sont le parfait exemple de cette crise, assure-t-il. "Avant le Covid, 38 % quittaient l'AP-HP au bout de trois ans. L'hôpital public est donc entré très fatigué dans la crise sanitaire, rapporte Nicolas Revel. Cette crise a, par ailleurs, été suivie d'un immense exode qui a touché tous les systèmes de santé en Europe, mais qui a été spectaculaire en France et notamment en Île-de-France." Pour preuve, en l'espace de deux ans post-Covid, l'AP-HP a "perdu 2 000 infirmières", soit 12 % de ses effectifs. Des départs massifs qui ont entraîné des fermetures de lits "dans une proportion qu'aucun CHU n'a jamais rencontrée". Avant la crise, le taux de suppression des lits de chirurgie-obstétrique s'élevait à 8 %. Début 2023, il atteignait 19 %, poursuit-il. "En offre de soins, cela équivaut à la disparition d'un petit ou d'un moyen CHU."

Si ce phénomène a aussi été observé dans d'autres professions (infirmière de bloc opératoire, manipulateur radio, préparateur en pharmacie), seuls les médecins ont fait figure d'exception, car "l'AP-HP demeure un CHU très attractif" pour eux. Cependant, Nicolas Revel révèle le "ras-le-bol extrêmement fort" desdits médecins qui dénoncent le fait de ne plus "pouvoir exercer dans des conditions normales" à la suite de ces fermetures de lits. Sans oublier les "tensions qui apparaissent sur certaines spécialités à garde et la montée de l'intérim qui commence à toucher de grands CHU".

À cela s'ajoute la perte d'attractivité des carrières hospitalo-universitaires, vu les "postes non pourvus" qu'on commence à voir apparaître partout en France. Le risque, selon lui, est "l'effet boule de neige". "La question salariale ne représente pas le sujet n° 1 des hospitaliers, avance Nicolas Revel. Elle peut arriver dans le cadre de certaines spécialités comme les métiers du bloc opératoire, mais la grande majorité des professionnels ne me parlent pas de salaire en premier lieu... mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problème sur ce sujet." Certes, les revalorisations du Ségur ont peut-être eu un "petit effet", ajoute-t-il, détaillant une hausse en moyenne de "20 à 25 % (entre 400 et 700 euros)". L'aspiration des professionnels porte donc sur d'autres éléments "plus profonds et plus difficiles à attraper", assure-t-il.

 

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