Les infirmières hospitalières sont le parfait exemple de cette crise, assure-t-il. "Avant le Covid, 38 % quittaient l'AP-HP au bout de trois ans. L'hôpital public est donc entré très fatigué dans la crise sanitaire, rapporte Nicolas Revel. Cette crise a, par ailleurs, été suivie d'un immense exode qui a touché tous les systèmes de santé en Europe, mais qui a été spectaculaire en France et notamment en Île-de-France." Pour preuve, en l'espace de deux ans post-Covid, l'AP-HP a "perdu 2 000 infirmières", soit 12 % de ses effectifs. Des départs massifs qui ont entraîné des fermetures de lits "dans une proportion qu'aucun CHU n'a jamais rencontrée". Avant la crise, le taux de suppression des lits de chirurgie-obstétrique s'élevait à 8 %. Début 2023, il atteignait 19 %, poursuit-il. "En offre de soins, cela équivaut à la disparition d'un petit ou d'un moyen CHU."
Si ce phénomène a aussi été observé dans d'autres professions (infirmière de bloc opératoire, manipulateur radio, préparateur en pharmacie), seuls les médecins ont fait figure d'exception, car "l'AP-HP demeure un CHU très attractif" pour eux. Cependant, Nicolas Revel révèle le "ras-le-bol extrêmement fort" desdits médecins qui dénoncent le fait de ne plus "pouvoir exercer dans des conditions normales" à la suite de ces fermetures de lits. Sans oublier les "tensions qui apparaissent sur certaines spécialités à garde et la montée de l'intérim qui commence à toucher de grands CHU".
À cela s'ajoute la perte d'attractivité des carrières hospitalo-universitaires, vu les "postes non pourvus" qu'on commence à voir apparaître partout en France. Le risque, selon lui, est "l'effet boule de neige". "La question salariale ne représente pas le sujet n° 1 des hospitaliers, avance Nicolas Revel. Elle peut arriver dans le cadre de certaines spécialités comme les métiers du bloc opératoire, mais la grande majorité des professionnels ne me parlent pas de salaire en premier lieu... mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problème sur ce sujet." Certes, les revalorisations du Ségur ont peut-être eu un "petit effet", ajoute-t-il, détaillant une hausse en moyenne de "20 à 25 % (entre 400 et 700 euros)". L'aspiration des professionnels porte donc sur d'autres éléments "plus profonds et plus difficiles à attraper", assure-t-il.