
Expériences étrangères
La santé mentale, une question planétaire
La demande de soins et d'accompagnement en santé mentale a augmenté ces dernières années. Des États-Unis à la Scandinavie, tour d'horizon des organisations professionnelles en place.
Expériences étrangères
La demande de soins et d'accompagnement en santé mentale a augmenté ces dernières années. Des États-Unis à la Scandinavie, tour d'horizon des organisations professionnelles en place.
Article publié dans Concours pluripro, octobre 2024
Depuis deux ou trois décennies, la santé mentale des populations est l'objet de préoccupations croissantes. Et ceci à l'échelle de la planète, même si, à l'évidence, les pays industrialisés/développés identifient et répertorient le plus grand nombre "de troubles ou dérèglements". Il en résulte finalement une recrudescence de plaintes et revendications – singulièrement dans le monde du travail où le terme de burn out a fait florès –, inégalement suivies d'analyses, d'études et, le cas échéant, de plans d'action.
De surcroît, la pandémie liée au Covid et les impacts sociaux ou civilisationnels ainsi que l'importante morbidité résiduelle qui a résulté ont considérablement accru la demande de soins ou d'accompagnement dans ce secteur. Plus généralement, une "libération de la parole" supportée par les réseaux sociaux puis la médiatisation universelle qui en a découlé ont également contribué à transformer en demande de soins ou d'accompagnement des situations diverses qui, jusque-là, restaient cachées, méconnues ou négligées, nonobstant les souffrances profondes qu'elles pouvaient provoquer. Tout cela a contribué à une évolution sensible de l'organisation des soins en santé mentale.
À l'international, trois caractéristiques principales définissent cette réorganisation. Avant tout, la diversité des professionnels mobilisés, étroitement coordonnés, au point que le terme d'équipe (team) s'impose presque partout. La Johns Hopkins Medicine, de Baltimore, sur la côte est des États-Unis où elle cultive l'excellence depuis plus d'un siècle, vient ainsi de publier une plaquette où sont répertoriés les différents professionnels intervenant en équipe constituée. On y retrouve des médecins, psychiatres et praticiens de soins primaires, incluant des psychiatres dédiés aux enfants et adolescents, auxquels s'associent des psychologues, autant formés sur les approches familiales ou de groupes que sur les prises en charge individuelles, et aussi des travailleurs sociaux, particulièrement impliqués dans des suivis au long cours et des "accompagnements", des infirmières en pratique avancée, également formées sur des approches de groupe ou bien familiales et à l'éducation thérapeutique, et enfin des pharmaciens/ pharmacologues. L'approche pluriprofessionnelle est ainsi consacrée.
Une deuxième caractéristique forte est l'information préparée à l'intention des populations et, in fine, à chaque patient potentiel. Au-delà de cette information, c'est évidemment la responsabilisation et, le cas échéant, l'implication de chaque patient et de son entourage qui sont recherchées. Un bon exemple en est donné en Grande-Bretagne par l'initiative Rethink Mental Illness (en français littéralement "Repenser la maladie mentale"). Cette association caritative, fondée au début des années 1970 à l'initiative d'un journaliste du Times s'engage pour améliorer le quotidien de patients gravement atteints par la maladie mentale. Ainsi, en plus de nombreuses actions de terrain, l'association vient de publier, en lien avec le NHS britannique, une sorte de mode d'emploi des "services de santé mentale". Ce document ultrapratique, accessible sous plusieurs formats et régulièrement mis à jour, renseigne avec pertinence sur les questions que peuvent se poser les malades ou leur entourage. Pour l'essentiel, les divers "parcours du patient" possibles, la gradation des soins et, bien entendu, la prise en charge par tout ou partie des membres d'une équipe pluriprofessionnelle y sont clairement exposés ; et des documents d'une inspiration comparable sont disponibles en Scandinavie.
La troisième caractéristique de la réorganisation en cours des soins de santé mentale peut être illustrée par une étude publiée en 2022, comparant les services de santé mentale opérant, soit en Scandinavie, soit en Eurasie (Arménie, Géorgie, Ukraine). Alors que les pays d'Eurasie en sont encore à une centralisation et une institutionnalisation prédominantes, la Norvège et la Suède, sans surprise, privilégient depuis le début des années 2000 la régionalisation, les initiatives de proximité et l'ambulatoire.