Depuis 2009, date à laquelle elle a porté son premier projet – notamment la maison de santé de Tomblaine, en Meurthe-et-Moselle –, Sylvie Rossignon, médecin généraliste, a su maintes fois fédérer les professionnels de santé autour d’une initiative. Pourtant, si elle peut aujourd’hui se féliciter d’avoir généré du lien sur son territoire, elle n’avait pas forcément vocation ou tout du moins conscience de son rôle de leader. "À l’époque, je ne me sentais pas leader. Je suis devenue leader parce que les autres m’ont désignée inconsciemment comme tel, en me suivant, précise-t-elle. Je ne me suis pas levée un matin en me disant que je voulais le devenir. J’ai ensuite pris conscience de ce que j’étais et que j’avais un potentiel à fédérer… Cela a été une découverte pour moi aussi."

Et une fois ce rôle endossé, il a fallu apprendre à gérer cette nouvelle fonction. "Au départ, j’ai commis l’erreur de ne pas savoir déléguer le travail, confie la médecin. C’est bien gentil d’être la locomotive, mais il faut que les wagons participent, qu’ils soient motorisés" Et c’est là la deuxième étape. L’organisation entre les professionnels : qui va faire quoi ? qui se sent capable de le faire ? qui a une appétence pour telle ou telle chose ? qui est disponible ? "À partir de là, il a fallu que je découvre pourquoi les autres me suivaient. Tout cela est très intuitif, j’ai appris sur le tas, avoue-t-elle. Déjà, il faut qu’il y ait un intérêt pertinent à suivre, et l’intérêt individuel doit se marier avec le collectif."

 

"La structure doit pouvoir survivre à son leader"

Pour la présidente du DAC 54, la gestion des difficultés et des frustrations, étape très importante lors du montage d’un projet, peut être (trop) rapidement oubliée par les professionnels et donc engendrer un conflit majeur : "Que faire lorsque nous nous retrouvons confrontés à un mur ? Il faut contourner l’obstacle, tout en conservant l’objectif, mais aussi l’intérêt individuel de chacun." Elle cite pour exemple les difficultés qu’elle a rencontrées pour monter la CPTS Métropole nancéienne. "Devant notre lettre d’intention, la direction territoriale de l’ARS nous a répondu qu’il faudrait attendre leur diagnostic territorial pour passer en commission de validation (ce qui n’était pas nécessaire). Aux professionnels qui me demandaient où en était le projet, je ne pouvais répondre que je n’avais pas de réponse." En tant que porteuse du projet, elle se rend alors compte qu’elle risque de perdre ceux qui se sont engagés. "Je me dis alors que cela va retomber comme un soufflet et que le projet va mourir…"

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Fin 2017, le décès d’une jeune femme à la suite d’une mauvaise prise en charge du Samu de Strasbourg va mettre en lumière la nécessité d’investir dans les soins non programmés. "Dans notre projet, nous avons pu rajouter ce sujet et nous nous sommes retrouvés prioritaires. Nous avons été reçus la direction territoriale qui nous a encore demandé d’attendre leur diagnostic de territoire." De nouveau confrontée à un obstacle, Sylvie Rossignon se retrouve là encore face à une possible perte de collaborateurs. Elle décide de se tourner vers des ressources de territoire. "Une chargée de mission du Réseau de gérontologie* a cherché une multitude d’études qui répondaient à nos objectifs", et cette fois, la DSDP valide le droit de passer le projet en commission.

"En tant que leader, il faut chercher, trouver et exploiter des ressources du territoire. Il y a une obligation de secouer le cocotier mais aussi de voir le sujet sous un autre angle et, surtout, de ne pas se laisser convaincre que tout est foutu." Ne pas être défaitiste mais "accepter d’essuyer les plâtres". Et une fois que chacun trouve son compte dans l’organisation, le leader doit alors disparaître. "Pour moi, on ne peut pas rester leader toute sa vie, il faut que la structure soit capable de vivre par elle-même, de survivre à son leader."

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