Comment définiriez-vous le leadership ?

Tout d'abord, ce qui est difficile avec le leadership, c'est qu'il s'agit d'une notion peu étudiée en France. Les principaux livres ne sont pas traduits en français, et de toute façon il y a autant de définitions que d'auteurs, comme le dit l'un d'entre eux. Pour ma part, j'utilise une définition qui distingue d'emblée la notion de leadership de celle de charisme : c'est le processus par lequel une personne influence un groupe de personnes, pour atteindre un objectif commun. De cette manière, on se focalise davantage sur le fait de prendre le leadership que sur le fait de l'avoir, davantage sur le processus que sur la personne. Le charisme peut être un élément du tableau, mais il n'en est qu'une partie, comme l'expertise, par exemple...

Comment la notion de leadership se distingue-t-elle de celle de l'autorité ?

Pour répondre à cette question, il faut distinguer le statut de manager de la posture du leader. Être manager, c'est un statut officiel dans une entreprise, cela donne des droits, des devoirs, une place dans la hiérarchie. C'est du leadership statutaire. Mais on peut avoir du leadership sans avoir aucun statut. Alors que le manager est désigné par la hiérarchie, le leader émerge du groupe.

Être leader, ça s'apprend ?

Si on se focalise sur la personne, non, mais si on se focalise sur le process, oui. On peut apprendre comment fonctionne un groupe, comment émergent les dynamiques, étudier la notion de sécurité psychologique qui fait que dans une équipe où la liberté de parole est acquise, où une infirmière peut oser dire à un médecin qu'il a fait une erreur de prescription, la performance est meilleure... Cette notion est-elle plus difficile à faire passer dans des environnements constitués de professionnels indépendants, comme les équipes pluriprofessionnelles de santé ?

La question de savoir comment prendre le lead quand on n'a pas de lien hiérarchique avec les personnes avec lesquelles on travaille est effectivement intéressante. Il s'agit d'être reconnu par le groupe, et il peut y avoir deux leviers principaux pour cela. Le premier est le fait de devenir une sorte de référence, de porte-parole pour le groupe. Et le second est celui de l'expertise. Mais dans tous les cas, l'essentiel est de parvenir à parler ensemble, sans chercher à imposer son point de vue. Car prendre le lead, c'est aussi parfois savoir le lâcher.

Mais a-t-on réellement besoin de leaders dans ces équipes ?

Si on s'intéresse au leadership comme processus, on parlera de leadership émergent : les leaders apparaîtront d'eux-mêmes, et ce d'autant plus qu'il y a une tâche à effectuer en un temps réduit. Plus l'échéance approche, plus les mécanismes de leadership vont apparaître. On ne doit pas chercher le leader providentiel qui va tout résoudre, mais créer les conditions pour que la bonne personne émerge.

* Également auteur de Le leadership agile, éd. Eyrolles, 2017.
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