Pour les médecins, en France singulièrement, le terme "protocole* a longtemps suscité une perception péjorative et a été perçu comme synonyme de contrainte et de complexité. Contrainte d’abord, puisqu’il s’agit le plus souvent de fixer a priori une conduite à tenir (ce qui bride à l’évidence la liberté d’initiative). Complexité ensuite, puisque « protocole », jusqu’à peu, était généralement associé à une médecine hautement spécialisée ou à la recherche clinique. On voit que cette propension à la complexité des protocoles a fâcheusement persisté jusqu’à aujourd’hui.

De leur côté, les médecins britanniques, scandinaves ou en Amérique du Nord avaient bien plus tôt, dès les années 1980 ou 1990, adopté des démarches protocolées, qui se traduisaient par des applications diversifiées, initialement sur papier, puis progressivement "informatisées". Ont ainsi circulé des flowcharts ou des algorithmes, souvent compliqués et bientôt simplifiés, des clinical pathways (CPW) qui représentaient, sous une forme schématique, les principales étapes d’une démarche diagnostique et/ou thérapeutique, le cas échéant prolongée par un suivi au long cours.
Ces CPW, établis et actualisés selon les données de l’evidence-based medicine (EBM) ont constitué un véhicule important des politiques de bonnes pratiques dans les pays correspondants. Un document établi par une équipe danoise, en fait un point utile sur les CPW, que l’on appelle aussi integrated care pathways, et qui ne se limitent pas au périmètre d’action des seuls médecins. C’est au contraire les interventions coordonnées de l’ensemble des professionnels de santé intervenant auprès du malade qui sont positionnées sur les divers documents produits.
Il est vrai que, dans ces pays, les interventions des nurse practitioners, case managers et autres assistants étaient authentifiées, sinon banalisées, depuis une ou deux décennies.
Ainsi, les CPW apparaissent comme une sorte de "mode d’emploi" de ces parcours de soins ou de santé, dont le terme avait été forgé dans un avis publié par le Hcaam en mars 2012, voilà déjà plus de dix années…

S'appuyer sur des guidelines ?

De surcroît, un apport déterminant à l’émergence des protocoles pluriprofessionnels avait été apporté par deux general practitioners britanniques, dans deux articles publiés dans le Lancet et le BMJ en 2012-2013. Ces auteurs avaient constaté la hausse considérable de la multimorbidité, qui affectait principalement la population vieillissante et commençait de représenter la charge principale qui pesait sur les professionnels assurant les soins primaires ou de proximité.

En conséquence, pour ces malades polypathologiques, s’appuyer sur des guidelines (nos recos) ne convenait pas. Car ils étaient presque toujours développées pour une maladie isolée, sans tenir compte des comorbidités. De plus, les études conduites pour disposer de données EBM – en particulier les essais thérapeutiques – étaient menées le plus souvent sur des sujets plus jeunes sans comorbidités, et leur applicabilité aux sujets âgés étaient donc réduite.
Enfin, ces guidelines s’adressaient surtout aux médecins, sans attacher suffisamment de place aux compétences des autres professionnels de santé (dont les interventions sont souvent essentielles chez les malades polypathologiques).
Pour finir, il est important d’accorder toute l’attention souhaitable aux préférences que peuvent exprimer les malades âgés (ce que les guidelines négligent couramment). Bref, pour toutes ces raisons, il devenait souhaitable de développer des protocoles pluripro aussi simples que possible, adaptables aux conditions d’exercice locales et aux situations individuelles. Ce dont il est question aujourd’hui…

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