Article publié dans Concours pluripro, mars 2022

Sébastien Fleuret
Sébastien Fleuret,
géographe de la santé
et directeur de recherche
au CNRS

Le mot-valise de "territoire" s’est imposé progressivement dans le champ de la santé via les schémas régionaux d’organisation sanitaire, et jusqu’à être consacré dans le nom même de la loi HPST en 2009. Dans le même temps, la problématique de l’inégale répartition des professionnels de santé a généralisé l’usage d’un autre vocable, celui de "déserts médicaux". Si le ministre de la Santé estime que l’exercice coordonné permet "d’offrir un cadre attractif d’exercice pour les professionnels de santé, notamment dans les territoires caractérisés par une démographie médicale insuffisante, tout en favorisant une meilleure accessibilité aux soins pour les patients", le Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie (Hcaam) constate que la santé en France est caractérisée par l’absence de projet global explicite d’organisation des soins primaires à une échelle territoriale ou populationnelle. On a ainsi développé une offre ambulatoire, fonctionnant le plus souvent dans le cadre d’un exercice libéral individuel, faiblement structurée et inégalement répartie sur le territoire, pharmaciens mis à part. Le développement de structures d’exercice coordonné apparaît alors comme une réponse. Un pooling de ressources qui permet d’atteindre collectivement un résultat impossible à obtenir en agissant séparément.

Néanmoins, il faut regarder attentivement comment se traduit le déploiement des équipes coordonnées dans la réalité des territoires. On constate ainsi que si de nombreuses zones sous-dotées sont concernées, dans les faits, l’un des moteurs principaux est l’effet d’opportunité : là où existent déjà des collaborations plus ou moins formelles, là où des volontés sont déjà à l’oeuvre, les synergies se font et les projets aboutissent. En revanche, là où le terreau initial est mince ou là où l’on tente à tout prix de regrouper des territoires pour atteindre des tailles critiques, on constate que la coordination peine à se mettre en oeuvre. Et même si on voit émerger des structures, cela ressemble davantage à un agglomérat dans lequel chacun reste sur ses pratiques et ses portions de territoire (bien que des actions collectives existent).

Le territoire est encore perçu comme un périmètre administratif et non comme un espace de vie
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