Article publié dans Concours pluripro, mars 2023
 

Reconnue zone d’intervention prioritaire (ZIP), Rivière du Mât les Bas fait face à de grandes difficultés d’accès aux soins. Un quartier excentré de Saint-André, une zone peu véhiculée, une population très rurale et "un seul cabinet pour tout le quartier", détaille Coralie Loubaresse-Victor, médecin généraliste arrivée à La Réunion il y a deux ans. "Comme je travaille en alternance avec le médecin titulaire, qui a plus de 70 ans et qui est installé depuis une trentaine d’années, cela représente un seul médecin en équivalent temps plein…" Une offre peu étoffée pour une région qui comprend une population jeune (30-35 ans) souvent traitée pour de l’hypertension, des cas de diabète autour de 40 ans, des suivis de grossesse peu assurés…

La commune ne comptant pas de maison de santé – la plus proche étant celle de Bras-Panon mais "peu accessible pour la population vu les difficultés de déplacement" –, Coralie Loubaresse-Victor porte, avec un collègue pharmacien, un projet de maison de santé "verte" : le projet de santé, en cours de rédaction, doit être soumis à l’ARS d’ici fin juin, et le bâtiment devrait voir le jour en mai 2025. "Construire, c’est polluant, mais on n’a pas trouvé de local utilisable en l’état, raconte-t-elle. En revanche, on réfléchit, avec l’architecte du quartier, pour que ce soit le plus écologique possible et éviter qu’on tombe dans des travers, par exemple la devanture en bois dont les matériaux viennent de l’autre bout du monde..."

L’équipe va également lancer des demandes de subvention et a déjà pris contact avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) pour deux appels à projets, l’un portant sur le financement de panneaux solaires et l’autre sur des actions ponctuelles pour sensibiliser au développement durable.

Consommer local

Si pour l’heure, les coporteurs du projet finalisent les plans avec Sendyl Apavou, l’architecte, ils ont déjà dessiné les contours de leur future installation : des arbres pour compenser la chaleur du gravier au niveau du parking, une meilleure circulation de l’air pour limiter le recours à la climatisation, des prises électriques programmables, la collecte des médicaments, un "référent durable" (l’ostéopathe) pour mettre en place et suivre les différentes étapes, gérer l’achat exclusif de papier et de drap d’examen recyclés, et installer un compost. "Il est impossible d’avoir un bâtiment passif à La Réunion. Mais on tente d’optimiser l’espace et de réfléchir en termes de mouvement et de déplacement dans les locaux", explique la généraliste. Ainsi, vu la petite salle d’attente intérieure, l’arrière des locaux sera végétalisé pour que l’essentiel de l’attente se fasse en extérieur. "On plantera le plus possible, notamment des plantes endémiques, sachant que la médecine traditionnelle est très présente sur l’île." Tout l’espace a d’ailleurs été repensé pour maximiser ce coin extérieur.
 

""©MSP KER SOIGNANT
©MSP KER SOIGNANT


Coralie Loubaresse-Victor a également fait appel à la plateforme zourit.net, qui compte un serveur à La Réunion et en métropole. Une façon de "consommer local et de réduire l’empreinte numérique". Aujourd’hui, une quinzaine de professionnels se sont déjà positionnés pour la future MSP Ker Soignant : 2 médecins (et un troisième à venir), 1 masseur-kiné, 1 sage-femme, 4 infirmières libérales, 1 ostéopathe, 1 pédo psychiatre, 1 psychologue, 1 podologue et 1 pharmacien. Si l’exercice individuel, "ça [lui] pesait un peu" et qu’elle a trouvé une oreille attentive en allant "se plaindre auprès du pharmacien chez qui je sentais bien que je lui mettais des étoiles dans les yeux", concevoir une structure écologique, penser durable, questionner l’impact sur la santé environnementale, tout cela était "une évidence", glisse Coralie Loubaresse-Victor, convaincue que "si les patients voient que les professionnels de santé s’intéressent à ces sujets, ils vont s’y intéresser aussi. On va donc essayer de contaminer la conscience collective !"

 

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