Coordinatrice de MSP, Catherine Coquil l’est devenue malgré elle. Adolescente, le domaine de la santé l’attire déjà : sa mère médecin généraliste l’inspire beaucoup et elle souhaite suivre la même trajectoire. Mais un manque d’affinités avec un professeur de mathématiques au lycée la pousse à abandonner la filière scientifique pour rejoindre une terminale ES : elle fait une croix sur son projet de carrière, s’oriente vers des études de management et obtient un master II en gestion de projet en 2008. Passionnée de voile, elle intègre un domaine radicalement éloigné de sa vocation initiale : l’organisation de courses et d’événements dans le milieu nautique.

C’est lorsqu’elle tombe enceinte de son premier enfant après quelques années d’exercice, que Catherine Coquil remet en question son métier, souhaitant se diriger vers une activité davantage porteuse de sens pour elle et nécessitant moins de déplacements. Elle a alors l’opportunité d’effectuer un remplacement au sein du cabinet médical de Châteauneuf-du-Faou, en tant qu’assistante ; s’y rendant d’abord par curiosité et sans projet précis, elle réalise rapidement que, conformément à ses ambitions d’autrefois, le milieu de la santé l’anime particulièrement.

Profitant de cette mission pour observer attentivement son environnement de travail, certains éléments attirent son attention : "J’ai notamment réalisé que les professionnels de santé s’employaient à de nombreuses activités administratives, chronophages, qui les contraignaient à refuser régulièrement des patients", se rappelle-t-elle. Pour leur libérer du temps, elle propose de prendre en main certaines de ces tâches ; peu à peu, l’impact s’en fait ressentir positivement dans l’organisation générale du cabinet. Le bouche-à-oreille local aidant, la MSP de l’Aulne maritime, implantée au Faou, la sollicite pour obtenir le même appui organisationnel. Catherine Coquil confie malicieusement : "À l’époque, lorsque l’on me demandait ce que je faisais dans la vie, je répondais que mon métier n’avait pas de nom, mais que j’aidais les maisons de santé !". Nous sommes en 2015, et les MSP n’en sont encore qu’à leurs débuts : les fonctions dont Catherine Coquil s’est saisie de manière intuitive, en identifiant un besoin au niveau organisationnel, font d’elle une pionnière en matière de coordination de MSP.
 

De la coordination au montage de projet

Dans un premier temps, Catherine Coquil jongle entre ses missions en cabinet médical et à la MSP du Faou, en tant que travailleuse indépendante, statut avec lequel elle a toujours exercé. Elle s’approprie rapidement ses nouvelles fonctions, et s’applique à intégrer les spécificités propres au secteur médical : "J’ai appris sur le terrain, en travaillant au quotidien avec des professionnels de santé, en étant en contact avec l’association ESSORT, et en faisant beaucoup de veille d’informations". Ses compétences en gestion, acquises lors de sa première vie professionnelle, se révèlent un atout pour sa nouvelle carrière. Selon elle, une MSP s’apparente à une petite entreprise, où le coordinateur fait office de chef d’orchestre : polyvalent, c’est à lui d’identifier les projets pertinents à développer, d’organiser les réunions, de relancer et de mobiliser les équipes, d’optimiser les procédures, de gérer certains aspects comptables, de faire circuler l’information en interne, etc.

"À mon sens, le coordinateur doit posséder des qualités essentielles, notamment l’autonomie, le relationnel, la capacité d’organisation, le dynamisme et la disponibilité", confie-t-elle. "Mais l’ingrédient phare, c’est la confiance que les équipes vont accorder au coordinateur : c’est ce qui lui apportera la légitimité nécessaire pour pouvoir les accompagner au mieux, au quotidien". Ces observations, et l’expertise qu’elle a développée en tant que coordinatrice, ont rapidement permis à Catherine Coquil de pousser plus loin ses fonctions, pour s’investir sur la partie montage de projet de MSP. "Les équipes ont besoin d’un leader qui soit un professionnel de santé, prêt à s’impliquer, qui donne l’impulsion au projet, l’incarne, porte la vision, explique-t-elle, cependant celui-ci manque souvent de compétences en gestion et de temps pour mettre le projet en œuvre. »

Sollicitée par la MSP de Plonévez-Porzay (qui ouvrira ses portes début 2019), elle constate ainsi un fort besoin d’accompagnement en matière de montage de projet. La partie architecturale est généralement prise en main par la mairie, quant au projet de santé, il peut être relativement simple à poser sur le papier ; mais la lourdeur administrative, et surtout le délicat passage entre la phase de montage du projet et la concrétisation effective de celui-ci, peuvent perdre les équipes, selon Catherine Coquil. Pour elle, la coordination s’inscrit en complémentarité du montage de projet : "Les connaissances acquises dans une fonction se transposent dans l’autre." Mais c’est aussi une continuité : il revient au coordinateur de faire vivre un projet construit et imaginé lors de la phase de montage, ce qui nécessite une bonne transmission des informations et des outils nécessaires pour assurer au mieux la transition.


Des métiers à inventer

Catherine Coquil rappelle que la fonction de coordinateur, auparavant assurée au pied levé par les professionnels de santé ou les secrétaires médicales, est apparue dans la réglementation en novembre 2017 comme critère pour pouvoir prétendre à certains fonds. Elle ajoute : "J’ai rejoint cette année une formation continue à l’EHESP* : c’est tout nouveau, il ne s’agit que de la deuxième promotion." Cette récente reconnaissance participe à dessiner les contours du métier de coordinateur ; l’accompagnement au montage de projet ne jouit en revanche pas encore de la même considération. Dans ces métiers encore jeunes, Catherine Coquil observe que, pour l’instant, des transitions de carrière comme la sienne restent assez rares. Peu de coordinateurs disposent d’un tel bagage non médical, et exercent en travailleur indépendant. Selon elle toutefois, cette tendance pourrait évoluer : le statut d’indépendant permet de mutualiser son expertise pour la mettre à profit de plusieurs projets à la fois, quant à la casquette non-médicale, c’est à son sens un gage de neutralité favorisant l’intégration du coordinateur au sein des équipes.

Pour Catherine Coquil, il apparaît essentiel que les coordinateurs partagent entre eux leurs observations, leur expérience, pour aider le métier à se structurer. Elle a créé dans cette idée un groupe de discussion en ligne, pour échanger sur des thèmes spécifiques comme les protocoles ou les outils de gestion. Elle ne perçoit à ce jour aucune concurrence entre coordinateurs : "Ce qu’on fait, on le fait pour le patient." C’est à son sens tout le projet des maisons de santé, qui se construisent autour de valeurs communes, et avant tout, autour de l’usager. L’implication de l’usager dans le projet de MSP constitue d’ailleurs un point important comme moyen d’améliorer les pratiques, mais aussi de responsabiliser le patient. Et, pour Catherine Coquil, c’est aussi ce qui fait toute la particularité des MSP : l’humain, le dialogue, et l’envie d’avancer ensemble… toutes voiles dehors.

* Diplôme d’établissement (DE) de coordinateur de regroupements pluriprofessionnels de soins primaires : 

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