Julien Chaslot-Denize est au collège quand naît sa vocation de kinésithérapeute. Passionné par le corps humain à l’époque, sensible à la dimension tactile du métier, et désireux d’aider les gens, il évoque un autre élément qui a probablement influencé son choix de carrière : "Quand j’étais enfant, mon père a eu besoin, à un moment donné, des soins d’un kinésithérapeute. L’idée a dû rester dans un coin de ma tête… mais personnellement, je n’ai jamais suivi une seule séance chez le kiné !", ajoute-t-il en riant.

En 2002, son diplôme en poche, le jeune homme, originaire du Mans, quitte Paris où il a suivi sa formation, pour s’installer à proximité de Châtellerault dans la Vienne. Il rejoint alors le cabinet de santé de Scorbé-Clairvaux, qui s’appuie sur un exercice regroupé pluriprofessionnel depuis sa création en 1991. "La structure m’a plu, raconte-t-il. Je ne souhaitais pas exercer de manière isolée." Le jeune professionnel perçoit également dans l’organisation, qui présente un caractère proactif et précurseur sur plusieurs aspects, un terrain inspirant pour développer de nouveaux projets. Car tout en étant passionné par son métier, il ressent le profond besoin de s’investir dans d’autres activités, avec un seul et même objectif : le bien-être du patient, au sens large du terme. "Pour certains professionnels, l’application de la technique prévaut parfois sur l’écoute ou le partage humain. Or, à mes yeux, ce sont des éléments prioritaires pour que la personne se sente mieux !"

Cette posture tournée vers le patient dans son ensemble, il la développe d’abord en diversifiant ses domaines de spécialisation, afin d’appréhender son métier de la manière la plus holistique possible. Ainsi, initialement formé à la relaxation thérapeutique de l’enfant et instructeur en massage pour bébé, il accompagne aujourd’hui des patients atteints de cancer et en soins palliatifs. Une manière pour lui de mieux aborder le patient, en apprenant à connaître ces deux étapes clés de la vie. C’est également dans cette idée de développer une approche globale du patient qu’il complète sa casquette de kinésithérapeute libéral en se formant à l’éducation thérapeutique du patient (ETP). Il pilote dans la foulée le déploiement de deux programmes au sein de la structure à Scorbé-Clairvaux, devenue, depuis 2008 après une expérimentation pour de nouveaux modes de rémunération (ENMR), le pôle de santé de l’Envigne. Un rôle qui l’amène peu à peu à s’inscrire dans le coleadership du pôle.


Au service du patient

Lorsqu’il démarre sa formation en ETP en 2011, Julien Chaslot-Denize est déjà porté sur le sujet depuis plusieurs années et convaincu que, pour améliorer la santé des individus, "il est nécessaire de les aider à devenir plus autonomes, acteurs de leur santé et de leur rétablissement". Dès 2012, il coécrit, en binôme avec l’infirmière coordinatrice du pôle de santé, le premier programme ETP de la structure, adressé aux patients atteints de maladies cardiovasculaires.

Le choix du programme n’est pas laissé au hasard. S’il répond, d’une part, aux priorités régionales en santé, l’idée est surtout de proposer un sujet transversal, capable de mobiliser tous les professionnels du pôle et de susciter leur implication. Devenu, entre-temps, formateur en ETP, il parvient petit à petit à transmettre l’approche auprès de ses collègues : "On a réussi à les motiver progressivement pour atteindre aujourd’hui dix professionnels formés, qui interviennent dans les programmes." En 2015, un deuxième programme ETP est lancé pour les patients adultes atteints d’un cancer et leur entourage.

Le parcours commence par un entretien individuel, durant lequel le professionnel et l’usager coconstruisent un "bilan éducatif partagé". "L’ETP prend en compte la personne dans sa globalité, ce qui implique d’être à l’écoute de ses besoins, freins, et envies", explique Julien Chaslot-Denize. Sur cette base, le bénéficiaire et le professionnel décident ensemble de la durée du parcours, et des ateliers collectifs qui y seront inclus : "Les programmes personnalisés d’ETP pour les maladies cardiovasculaires sont plus courts que ceux en cancérologie, qui s’étalent souvent sur plusieurs mois." Au terme du parcours, une évaluation est réalisée.

Au sujet des programmes mis en place, Julien Chaslot-Denize confie cependant que "la principale difficulté avec l’ETP, pour la pratique comme pour la coordination, c’est le temps disponible. Il est parfois difficile de gérer des activités annexes à son exercice libéral". Il insiste également sur la nécessité d’encourager les formations continues sur le sujet, mais aussi de développer une culture commune autour de l’ETP dès la formation initiale : "L’éducation du patient est avant tout une posture : ça ne passe pas seulement par les ateliers, ça fait également partie de l’exercice individuel des professionnels, au quotidien."


Une approche partagée de la gouvernance

Au fil de ses années d’exercice, le kinésithérapeute s’investit progressivement dans la vie de l’organisation. À la suite du déploiement des programmes ETP qu’il coordonne depuis 2012, et qui constituent des projets phares pour le pôle de santé ainsi qu’une mission de santé publique d’envergure, il est officiellement intégré au leadership de la structure en 2014. À ses côtés, Josselin Kamga, médecin généraliste et président de la Fédération Nouvelle-Aquitaine des maisons pluriprofessionnelles de santé (Fnampos).

Le pôle de santé de l’Envigne rassemble aujourd’hui une trentaine de professionnels de santé en multisite (associé à un centre de soins et à une opticienne dans un village voisin, ainsi qu’au cabinet médical de Thuré). Pour le masseur-kinésithérapeute, il est important de cultiver un véritable esprit d’équipe dans la gestion du pôle, qui s’apparente, selon lui, davantage à un trinôme, voire à un quadrinôme, qu’à une simple codirection en binôme. Si Josselin Kamga et lui s’occupent principalement des orientations stratégiques, l’infirmière coordinatrice (Idec) et un confrère psychologue s’investissent dans la gestion interne de la structure. "L’Idec est la pierre angulaire du pôle de santé. Sans coordination, ce type de structure s’essouffle et meurt."

Les réunions sont animées de manière pédagogique, en impliquant les professionnels du pôle, et en les invitant à se positionner sur les missions de santé publique. "Ils ne sont pas tous investis de la même manière. Certains sont partie prenante des projets, d’autres font seulement leur travail. Mais ils sont tous signataires du projet de santé."

Parmi les perspectives du pôle se tient d’abord le renforcement des axes lancés : l’ETP mais aussi le développement des réunions de concertation pluriprofessionnelle (RCP), la prévention dans les écoles, ou encore la mise en place d’une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS). Julien Chaslot-Denize, quant à lui, prévoit de poursuivre ses engagements tout en s’aventurant dans un nouveau domaine : celui de facilitateur pour le montage de projet, pour lequel il a suivi une formation début 2019.

Bio express

1979 : naît au Mans.

2001 : obtient son diplôme de kinésithérapeute à l’Aderf, à Paris.

2002 : rejoint le cabinet de santé de Scorbé-Clairvaux.

2011 : se forme à l’ETP et lance, en 2012, un premier programme d’ETP sur les maladies cardiovasculaires.

2014 : devient codirecteur du pôle de santé de l’Envigne.

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