Il le reconnaît volontiers : "Je voulais être médecin, mais mon classement au concours ne m’en a pas donné la possibilité… alors j’ai choisi d’être maïeuticien." Pourquoi ce choix ? "Je voulais exercer un métier de soins, aider les femmes dans leur grossesse, après l’accouchement, faire de la gynécologie... Je trouvais ça beau et intéressant." Car, pour Théo Lemouton, "le métier de sage-femme est noble. Dans notre exercice quotidien, nous avons, selon moi, moins d’aspects négatifs que les médecins, quotidiennement confrontés à la maladie, à des pathologies, et devant annoncer de mauvaises nouvelles à leurs patients".

Après des études à Rouen, Théo Lemouton sort diplômé en 2015 et se met en quête d’un poste à l’hôpital. C’est là qu’il est confronté aux premières difficultés. "Pendant mes études, j’ai été aide-soignant dans une maternité. Lorsque j’ai postulé, la direction n’a pas voulu m’embaucher car on m’a fait comprendre que j’allais avoir trop de proximité avec les aides-soignantes…" Et en aucun cas, il ne souhaite travailler au centre hospitalier universitaire (CHU) où il a vécu une mauvaise expérience en stage : "Je ne voulais pas devenir le collègue d’une sage-femme en particulier, avec laquelle j’ai entretenu des rapports très tendus. J’ai été confronté à des sages-femmes qui transmettent leur enseignement 'à la dure', qui rabaissent…"

Il a également vécu des situations discriminantes, notamment de la part de consoeurs. "Beaucoup de sages-femmes ont encore une vision ancienne de la profession, même des jeunes professionnelles, indique-t-il. Elles estiment que ce métier est 'une affaire de femmes' et que les hommes n’ont rien à faire là. Elles le disent clairement ! C’est de la discrimination !" Ce qui n’est pas le cas, d’après lui, des autres professions de santé qui considèrent que la présence d’un homme est positive et apporte de la diversité à ce métier exercé à 98 % par des femmes. "Quand j’étais étudiant stagiaire à l’hôpital, j’ai eu droit à des refus de soins venant parfois des maris… L’avantage du libéral, c’est que les patientes savent d’emblée qu’elles seront face à un homme car elles choisissent leur soignant."


L'aventure en libéral

Pourtant, à l’origine, Théo Lemouton ne souhaitait pas débuter sa carrière par une installation en libéral : "Il faut se lancer, c’est un vrai plongeon. Or je n’avais encore jamais découvert la pratique libérale aux côtés d’une sage-femme" car, pendant ses études, le stage en libéral est optionnel et "doit presque être justifié". Il doit s’inscrire dans le parcours professionnel de l’étudiant, "comme si l’on basculait du côté libéral, dès lors que l’on choisissait de faire un stage en ville", s’en étonne encore le maïeuticien. Il découvre néanmoins cet exercice en effectuant un stage auprès d’un gynécologue, une approche qui lui plaît car "on est beaucoup plus détendu par rapport à l’hôpital. J’ai trouvé le rapport aux soins et aux patients vraiment très intéressant".

À défaut de décrocher un emploi à l’hôpital, il se laisse tenter lorsqu’il repère une annonce pour la reprise d’un cabinet au sein de la petite ville de Bernay, à une heure de Rouen. "La sage-femme souhaitait partir à la retraite. Elle m’a beaucoup appris et m’a fait une véritable passation de savoirs. Nous avons exercé en doublon pendant quelques semaines car elle souhaitait laisser son cabinet et ses patientes à quelqu’un de confiance."

Cette installation le conduit à effectuer des formations complémentaires car le mode d’exercice est différent de ce qu’apprennent les étudiants. Soit une formation continue d’une semaine en rééducation périnéale, une autre sur l’allaitement et un diplôme interuniversitaire (DIU) d’un an en suivi gynécologique et contraceptif, sexualité et régulation des naissances. "Grâce à ces formations, je me suis senti un peu plus en confiance pour aborder mes patientes et leurs questions."


Double déménagement

Théo Lemouton reste deux ans à Bernay avant de déménager, pour des raisons personnelles, à Paris. Son objectif : trouver une MSP au sein de laquelle les professionnels de santé proposent un réel exercice de groupe. "À Bernay, j’étais installé dans une maison médicale de groupe, avec d’autres professionnels de santé – médecins généralistes, infirmières, ophtalmologues, diététiciens, ergothérapeutes – mais sans projet de santé en commun. Je souhaitais que la structure évolue vers une maison de santé au sens officiel, pour partager des patients avec les autres soignants, développer des prises en charge communes, obtenir des subventions pour effectuer de la coordination. Mais la mentalité des professionnels de santé était très 'libérale', avec cette idée de ne pas prendre les patients des autres."

En 2017, en arrivant à Paris, il contacte la MSP des Deux Portes, par le biais du Réseau de santé périnatal parisien dont il est adhérent, et se retrouve dans l’aventure. "C’était important pour moi de faire partie d’une MSP car cela offre une vie d’équipe. On s’intéresse aux autres soignants… aux patients aussi. Car nous sommes beaucoup plus complémentaires. Nous offrons une large palette de soins, une prise en charge plus globale." La MSP déménage, juste après son arrivée, dans de nouveaux locaux, avec un projet de santé bien élaboré, basé sur la santé de la femme et de l’enfant, la prise en charge des personnes âgées, des patients atteints de maladies chroniques et des personnes en situation de handicap. "Nous souhaitons mettre en place des ateliers d’éducation thérapeutique du patient sur le diabète gestationnel et le diabète en général, et aussi effectuer de la prévention sur la désinsertion socioprofessionnelle et le burn out."


Co-leader, co-coordinateur 

Au sein de la MSP, l’ancienne coordinatrice, médecin et leader, était très impliquée. "Lorsqu’elle a arrêté son exercice pour partir à la retraite, nous nous sommes retrouvés seuls avec nous-mêmes, sans leader." Les dix professionnels de la structure décident alors de tous devenir leaders et coordinateurs. Théo Lemouton suit d’ailleurs une formation de coordinateur financée par l’ARS Île-de-France à l’École des hautes études en santé publique (EHESP). "C’est important car nous voulons essayer de nous professionnaliser sur la coordination mais cela prend du temps." Sa formation, qui se termine fin 2019, lui permet d’acquérir des bases solides car jusqu’à présent les professionnels de la MSP manquent d’outils. "Nous avons longtemps été dans un entre-deux avec de nombreux projets en tête mais nous ne savions pas comment les mettre en place. Alors nous nous sommes répartis les tâches de coordination, comme la gestion du projet immobilier ou les protocoles, par groupe de deux ou trois." Mais cette organisation est amenée à évoluer puisque les professionnels de santé viennent de valider l’embauche d’un coordinateur.

Sa formation, qui se termine fin 2019, lui permet d’acquérir des bases solides car, aujourd’hui, les professionnels de la MSP manquent d’outils. "Nous sommes actuellement dans un entre-deux : nous avons de nombreux projets en tête mais nous ne savons pas comment les mettre en place. Alors nous nous répartissons les tâches de coordination (gestion du projet immobilier, protocoles, etc.) par groupe de deux ou trois." C’est aussi pour cela qu’il s’est inscrit à cette formation de l’EHESP, même s’il a conscience qu’avec son emploi du temps, il lui sera compliqué d’assurer cette tâche tout seul.

Bio express

2015 : diplômé de l’école de sages-femmes du CHU de Rouen

2015 : installation en libéral à Bernay (Normandie)

2015 : formation en rééducation périnéale

2016 : formation sur l’allaitement

2017 : DIU d’un an en suivi gynécologique et contraceptif, sexualité et régulation des naissances

2017 : installation à Paris au sein de la MSP des  Deux Portes et début  de la formation coordinateur à l’EHESP. 

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